39e Festival du nouveau cinéma - Un démarrage aux couleurs de l'enfance brisée

Grande soirée d'ouverture ce soir pour le 39e Festival du nouveau cinéma, qui accueille les cinéphiles à Montréal jusqu'au 24 octobre avec plus de 300 œuvres au programme. Avant de prendre l'affiche le 29 octobre prochain, 10 1/2 de Podz lance avec force le bal à l'Impérial.
Un festival constitue aussi, et peut-être surtout, un tremplin de réflexion sociale. C'est avec l'enfance en mal de vivre que démarrent les neuf jours de ce rendez-vous de films. Une enfance si traumatisée qu'elle est parfois considérée comme une cause déjà perdue. Mais l'avenir peut-il être à jamais bloqué pour un enfant sauvage, hypersexué, ballotté de familles dysfonctionnelles en foyers et en centres d'accueil? 10 1/2 laissera le spectateur en douter.10 ans et demi est l'âge du personnage principal, d'où le titre. Ce film percutant s'amarre au lien de confiance humain, fragile, sans cesse au point de rupture, qui peut sauver ou perdre une vie. Celle d'un éducateur (Claude Legault) et d'un garçon grossier, violent, dont personne ne veut.
Il s'agit d'une grosse année pour Podz (alias Daniel Grou) issu de la pub et de la télé (dont l'excellent Minuit, le soir). Son terrifiant premier long métrage Les 7 Jours du Talion avait pris l'affiche au début de 2010. Le voici de retour, toujours aux côtés de Claude Legault, son acteur fétiche, ici en maturité. À saluer: la performance du tout jeune Robert Naylor en garçon blessé et violent qui casse la baraque. L'interprète de dix ans se révèle d'un naturel et d'une puissance exceptionnels.
Avec une ouverture frontale sur le petit en train de regarder un film porno, cette relation violente, souvent désespérée, en quête de sa propre tendresse, n'explique pas tout, et c'est son mérite. Le film clôturera sur un dénouement ouvert prêtant à tous les possibles.
«On ne voulait pas être trop glamour à la caméra, ni multiplier les trucs.» Podz et son équipe ont plutôt plongé à la rencontre de personnages et de confrontations humaines.
Un cas extrême
10 1/2 s'inscrit, par sa quête de vérité et d'émotions brimées, dans la lignée des 7 jours du Talion, en moins extrême, mais sur une caméra d'urgence. Un film fort, où les profils des parents sont esquissés à traits fins. Le papa «BS» (troublant Martin Dubreuil) est perdu dans la vie, l'alcool et la drogue. La mère, elle (Félixe Ross, à peine entrevue mais en une scène inoubliable), est enfermée dans un hôpital psychiatrique. En eux se trouvent les clés du comportement filial.
«C'est le producteur Pierre Gendron qui fut à l'origine du film, explique le cinéaste. On est partis d'une scène, d'une idée. Claude Lalonde, le scénariste, fut éducateur durant 17, 18 ans. Il en connaissait un bout sur la question. On croit que Tommy constitue un cas extrême, mais il en existe de plus sévères encore.»
10 1/2 fut tourné à Boscoville, dans un ancien centre de rééducation, aujourd'hui transformé. «Mais on a situé le film en 2001, alors que la contention, les anciennes méthodes dures avaient toujours cours. Depuis, ils ont changé d'approche avec les enfants agressifs.»
Le film, surtout situé dans le centre de rééducation, met un peu trop l'accent sur les querelles d'éducateurs, mais les scènes de crises violentes sont saisissantes et celles avec les parents, porteuses d'une charge explosive.
Podz voudrait pouvoir dire qu'il a écumé la planète entière pour trouver un jeune capable de jouer son petit héros. «Mais ça s'est passé tout naturellement. On a vu 25 garçons. Robert Naylor, 10 ans, était allumé. Il avait travaillé en doublage, beaucoup en anglais, car issu d'un milieu bilingue. Sa mère l'accompagnait sur le plateau, une femme chaleureuse. Celle qui joue la maman dans le film l'a aidé aussi. C'était un rôle difficile, mais après les scènes, il redevenait lui-même: un enfant adorable.» Robert Naylor sera bientôt de la distribution du film américain Immortals de Tarsem Singh.
Claude Legault a passé du temps dans un centre de rééducation pour prendre le milieu à bras-le-corps. L'acteur a inventé son rôle avec le scénariste et le cinéaste. Ce qui ne l'empêchait pas, aux dires de Podz, d'éprouver quelque insécurité, jugeant son personnage trop calme. «Est-ce que mes émotions vont transparaître?» se demandait-il. Son rôle d'humanité froide demeure en retrait devant la force inouïe de la colère d'un enfant qui dérange tout le groupe. Des profils d'autres garçons du centre sont esquissés sans livrer leur plein potentiel.
Podz a pris la piqûre du cinéma. Il prépare un nouveau scénario, sans délaisser la télé, réalisant la série Police, avec Claude Legault, sur les ondes de Radio-Canada cet hiver.