Vibrant plaidoyer

On attendait le documentariste Davis Guggenheim dans le détour. Après le troublant (et gagnant d'un Oscar) An Inconvenient Truth, la barre était haute. Qu'on se le dise, avec Waiting for Superman, Guggenheim l'a relevée d'un cran.
Ainsi, après la brûlante question du réchauffement climatique et du je-m'en-foutisme dont se rendirent coupables la plupart des administrations, Davis Guggenheim s'attaque à un sujet tout aussi méritoire, l'éducation, et, ce faisant, il s'interroge sur le genre de société qu'est en train de se (dé-)construire la superpuissance mondiale. La démonstration «rentre dedans» et, ultimement, le constat inquiète.Encore une fois, on sait gré à l'auteur d'avoir parfaitement ciblé son propos, qu'il décline en un argumentaire tantôt percutant, tantôt cinglant, voire émouvant. Car au centre de l'exercice se trouvent des personnes bien réelles, dont quatre enfants et une adolescente. Issus de milieux variés de Harlem, de Washington, de Los Angeles et de Silicon Valley, Bianca, Francisco, Anthony, Daisy et Emily sont déjà très lucides malgré leur âge.
Leur but? Être admis dans une académie (charter school), un genre d'école affilié au système public qui offre des programmes alternatifs et des taux de réussite beaucoup plus élevés que ses contreparties régulières. Or ce type d'établissement opère des rondes de sélection, après quoi un nombre limité de places est assigné par loterie. Et nos cinq amis comptent sur celle-ci. Là-dessus, Guggenheim bâtit un habile suspense. Lequel est d'autant plus efficace que le sort de cet échantillonnage multiethnique, représentatif et attachant, importe rapidement au spectateur grâce, notamment, au choix de participants effectué en amont par le cinéaste.
En contrepoint de ce volet humain poignant, Guggenheim braque sa caméra sur un système public d'éducation malade et en énumère les différents maux. Entre en scène Geoffrey Canada, un éducateur originaire du Bronx diplômé de Harvard et fondateur des écoles Harlem Children's Zone, qui explique de façon claire ce qui ne va pas, mais aussi, et peut-être surtout, ce qui peut être fait, en plus d'invalider certaines idées reçues concernant sa clientèle. Dans le coin ennemi, les puissants syndicats enseignants sont dépeints comme les gardiens de l'immobilisme et les artisans de la médiocrité qui guette. De nombreux exemples aberrants à l'appui, Guggenheim enfonce le clou, mais le procès des coupables désignés paraît un tantinet simpliste comparativement à la rigueur observée ailleurs.
Cela étant, Waiting for Superman, qui, soit dit en passant, tire son titre d'un épisode de l'auguste série télé où l'homme d'acier sauve un autobus rempli de gamins, constitue un exercice documenté, pertinent et hautement cinématographique. La réalisation, qui a recours à diverses techniques, dont l'animation, et le montage, vif et précis, contribuent à créer ce que bien des films de fiction tentent d'engendrer sans succès: un authentique sentiment d'attachement envers ses jeunes héros.
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Collaborateur du Devoir