Pastiche marseillais

Polar marseillais tourné façon Luc Besson, avec poursuites en voitures, assassinats divers, hémoglobine et jeux incessants de caméras, L'Immortel de Richard Berry ne craint pas de verser dans le cliché et la surcharge. L'acteur et cinéaste français (derrière Moi César 10 ans, 1m39 et La Boîte noire), sous l'influence du Parrain de Coppola, campe son histoire de mafieux dans la photogénique Marseille, en utilisant judicieusement plusieurs de ses décors, dont le Vieux-Port, et en propulsant l'action plein gaz, sur fond d'airs d'opéra.
Jean Reno joue le rôle d'un caïd retraité à la vie de famille sereine que son passé rattrape lorsqu'un ancien camarade et son groupe lui tirent dessus dans un stationnement (22 balles et il survit, d'où son surnom d'Immortel). Le scénario est adapté en partie de l'histoire vraie du parrain marseillais Jacky Imbert. Richard Berry s'est documenté auprès de lui et auprès du Milieu, tout en greffant sa propre trame fictive. Il sera question de vengeance, de code d'honneur d'un mafieux de la vieille école, de «pas touche à la famille», de trahisons, etc. Bien que L'Immortel se déroule aujourd'hui, il aborde plutôt le monde interlope marseillais des années 70.Jean Reno, à la gueule de dur à cuire, possède le charisme et le gabarit de l'emploi et entre dans une phase de maturité en jouant les retraités. Il donne à son personnage une tessiture étendue, jouant du revolver et du sentiment, mais en fait des tonnes et roule des mécaniques. Plus problématique est le profil louvoyant de Kad Merad, ancien ami qui trahit et fait rouler le commerce, bègue, allez savoir pourquoi, qui est trop faiblard pour son emploi de caïd. C'est Marina Foïs, dans un rôle de femme flic en deuil d'un mari assassiné, à la vie trouble, qui tire parfois le film vers la lumière, malgré les invraisemblances de son comportement erratique.
Ça bouge. Ça pétarade. Les poncifs du genre sont au rendez-vous. Berry ne fait pas dans la dentelle et nous sert un film noir à l'américaine plutôt qu'à la Melville. Il a le mérite de ne pas juger ses personnages, mais en contrepoint avalise le code d'honneur des mafieux de la vieille école: «Un règlement de comptes, c'est à visage découvert», estime l'ancien parrain en conspuant les encagoulés qui l'ont laissé estropié.
Dans l'ensemble, L'Immortel est un film d'action assez prétentieux dans sa forme, mais bien servi par son ancrage marseillais avec un Jean Reno quand même puissant et une Marina Foïs pleine de complexité. L'ombre de Luc Besson flotte et reflotte, d'autant plus que l'acteur-culte du Grand Bleu et de Nikita est de la fête. Richard Berry ne s'est pas encore imposé comme cinéaste. Il pastiche, mais pour un délassement sanglant du samedi soir...