Un solo invraisemblable

Ryan Reynolds dans Buried, de Rodrigo Cortes
Photo: Source Maple Pictures Ryan Reynolds dans Buried, de Rodrigo Cortes

Au palmarès des peurs traumatiques, être enterré vivant doit bien figurer dans le top-10 de l'humanité tout entière. Si bien que, pour plusieurs, le seul fait de voir Buried, dont le théâtre de l'action est un cercueil scellé enfoncé dans le sable du désert irakien, leur fera peut-être tourner de l'œil. Les autres endureront jusqu'au bout ce (très) long métrage racoleur et inutile de l'Espagnol Rodrigo Cortes.

Paul Conroy (Ryan Reynolds, seul en scène durant tout le film et c'est là son seul exploit) est un innocent coupable. Il est en effet chauffeur pour une compagnie américaine qui brasse des affaires en Irak et profite de la guerre. À la suite d'une embuscade meurtrière où son convoi a été démembré et ses collègues tués, il se réveille dans un cercueil. Dès l'instant où ce personnage allume son briquet pour visualiser le piège macabre dans lequel il est tombé, Buried, sur le plan du récit comme sur celui de la survie, tient du défi «jackass» façon télé nippone.

Le huis le plus clos jamais exploité au cinéma devient en effet le prétexte d'un solo invraisemblable avec accessoires pour ériger le suspense et désamorcer l'ennui: un appareil de type BlackBerry permet au «mort-vivant» d'appeler à son secours une série de répondeurs et de fonctionnaires, et un stylo, de noter les numéros sur le couvercle de sa prison. On croit que tout y est lorsque surgissent une lampe de poche, un tube fluorescent, une fiole d'alcool. Lorsque tous ces articles sont épuisés ou sur le point de l'être, un serpent surgit pour redonner un élan au suspense qui, à ce stade, est soutenu sur deux piliers: le porte-parole des insurgés, qui réclame une rançon par téléphone, et sur l'autre ligne un agent du FBI qui tente de faire localiser l'appel.

Sur l'impulsion d'un scénario tricheur, Cortes triche à son tour en multipliant les prises de vue singulières et poseuses, qui sortent de la boîte pour créer une perspective injustifiée. Ces prises de vue militent contre le film et torpillent le seul sentiment encore actif chez le spectateur: l'empathie. Guère plus sophistiquée dans son usage, la musique tapageuse de Victor Reyes fournit à l'avance toutes les indications de lecture et, à force d'enterrer Buried, nous extrait psychologiquement du piège. Paradoxalement, la chute n'en est que plus lente à venir.

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Collaborateur du Devoir

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