Cinéma - Le loup-garou de Québec

Québec, 1665. Joseph Côté, séduisant vagabond un peu trop porté sur les femmes mariées, vient d'être condamné à la potence. Parvenant à s'évader in extremis, il prend la clé des champs, dans l'un desquels, ô providence, il découvre la dépouille d'un jésuite. Dorénavant, notre homme s'appellera père Brind'amour, ecclésiaste fameux pour s'être frotté à la gent lycanthrope. Réfugié dans un hameau en plein bois, le fuyard se retrouvera malgré lui le protecteur désigné de villageois et de Filles du Roy récemment débarquées en Nouvelle-France, sur lesquels une créature hirsute a jeté son dévolu.
Le Poil de la bête constitue la première incursion du cinéma québécois chez les croqueurs de pleine lune. D'emblée, le contexte historique emporte l'adhésion, le folklore d'ici recelant sa bonne part de légendes où, par exemple, un pauvre bougre se métamorphose en loup-garou après avoir omis de faire ses Pâques sept années d'affilée. Le père Brind'amour (ou Brindamour) apparaît d'ailleurs dans La Chasse-galerie, d'Honoré Beaugrand, dans un conte intitulé, oui, Le Loup-garou.Bref, la prémisse séduit. Or, rapidement, le scénario tourne court et accumule les enjeux dramatiques qui, compressés comme ils le sont par la force du nombre, s'étouffent les uns les autres. Difficile pour le spectateur de vraiment plonger dans l'histoire tant tout se précipite sans autre forme de développement. L'idylle entre le héros et une Fille du Roy volontaire semble particulièrement plaquée tellement le coup de foudre et l'amour réciproque sont vite consommés.
On reconnaîtra au film le mérite de ne pas jouer la carte de la surenchère horrifique. La créature ne sera par exemple vue en entier que vers la fin. Si la transformation convainc, le résultat final déçoit un peu; plus Silver Bullet que The Howling, pour l'amateur désireux d'avoir une image précise. Cette approche parcimonieuse, d'ailleurs, risque de laisser ce dernier sur sa faim, ce qui po-se la question du public cible qu'on avait en tête.
Cela dit, Le Poil de la bête possède de belles qualités, et pas que plastiques. La direction photo de Steve Asselin (Mémoires affectives, À l'origine d'un cri) met en valeur de ravissants coloris automnaux et la direction artistique est à l'avenant, tout comme la reconstitution historique, impeccable.
Mais plus important encore, le protagoniste central, Joseph Côté, est interprété avec fougue et allant par Guillaume Lemay-Thivierge, qui trouve là un rôle idéal. Le charisme de l'acteur est en phase avec celui du personnage et le film fait beaucoup de kilométrage là-dessus. Gilles Renaud, la moue dédaigneuse, se révèle quant à lui délicieux dans le rôle du seigneur hautain. Leur jeu élève d'un cran une production valable, mais très inégale.
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Collaborateur du Devoir