Cinéma - Les 3 p'tits morons

Affligeante comédie estivale, mais est-ce une comédie? Que de punchs ratés et de larmoiements, que de jeux de caméras clichés sur un flot d'images laides! N'en jetez plus! Filière 13 rate sa cible à un point qui impressionne. Le grand public s'y décrochera-t-il les mâchoires autrement que pour bâiller? Poser la question...
L'humoriste et acteur Patrick Huard, pure testostérone, qui avait coscénarisé Bon Cop, Bad Cop et réalisé Les 3 P'tits Cochons, s'est fait le champion de la masculinité, malmenée des décennies durant au cinéma québécois. Cette roue méritait d'être poussée, tant l'homo quebecensus devait redresser à l'écran sa tête ballante. Les 3 P'tits Cochons mettaient en scène tant bien que mal, mais en créant l'identification chez plusieurs spectateurs, un trio de mâles machos et infidèles.Or voici qu'avec les trois mêmes acteurs, Claude Legault, Guillaume Lemay-Thivierge et Paul Doucet, et flanqué d'un identique duo de scénaristes, Claude Lalonde et Pierre Lamothe, Patrick Huard verse dans l'exploration des fragilités masculines, qui ne sont manifestement pas sa tasse de thé. Car enfin! Là où son énergie pouvait épouser le rythme de l'action, les dérives psychologiques deviennent, sous sa gouverne, sous celle des scénaristes et des interprètes hagards et désemparés, des séances redondantes de pleurnicheries et de fausses bravades qui s'étirent en tous sens, au mépris du rythme et du gag à pister. Woody Allen peut dormir tranquille...
Pas trop futés, ces policiers qui craquent. Au menu: deux flics mis au rancart; l'un grugé par les migraines, la peur des femmes et les gaffes professionnelles violentes (Claude Legault), l'autre souffrant d'une soudaine phobie sociale qui mine sa vie (Guillaume Lemay-Thivierge). Les voici chargés de surveiller la mère d'un criminel en rivalisant d'incompétence. D'abord à couteaux tirés, puis copains comme cochons, nos deux paumés sont suivis par le même thérapeute (l'humoriste André Sauvé, dirigé sur une seule corde). Ils trouveront leur rédemption en filant une fripouille rescapée du scandale des commandites (Jean-Pierre Bergeron, réduit à une mine patibulaire). Quant à Paul Doucet, il campe avec un total désarroi un chef de police inconsolable qui espionne l'épouse qui l'a plaqué.
Scénario qui s'enlise et multiplie les invraisemblances, malaise évident des interprètes principaux qui ne savent plus sur quel pied danser leur valse pathétique (Guillaume Lemay-Thivierge — affublé d'une malencontreuse barbichette — s'enfarge dans son rôle, mais ses deux compères n'en mènent pas plus large).
La musique aurait mieux convenu à un film d'action, la quête stylistique paraît plaquée, tandis que la psychologie se réduit à des mimiques et des répliques creuses. On croyait les farces grasses sur les gais reléguées aux oubliettes, mais non! On nous les assène ici avec la candeur préhistorique de l'homme de Cro-Magnon. Rien n'est drôle de toute façon. Mis à part quelques rôles secondaires un peu plus charpentés: Anik Jean en voisine délurée, Laurent Paquin en comique pharmacien, rarement a-t-on vu distribution chercher à ce point ses repères dans un film québécois aussi mal ficelé.