La filière Huard

Filière 13, qui prendra l'affiche partout au Québec dès mercredi prochain, réunit le tandem de scénaristes et les trois vedettes du film Les 3 P'tits Cochons, paru en 2007: Claude Lalonde et Pierre Lamothe à l'écriture, Patrick Huard derrière la caméra, Claude Legault, Guillaume Lemay-Thivierge et Paul Doucet devant. Prise 2.
«On avait tous envie de travailler ensemble à nouveau, et on avait tous la même préoccupation: faire quelque chose de différent afin de ne pas donner l'impression d'une suite ou d'une redite.» Exit la chronique familiale, bienvenue la comédie policière.Le contexte a changé, certes, mais le ton oscille toujours entre l'humour et le drame. De même, et pour différente qu'elle soit, l'intrigue s'articule une fois encore autour de trois personnages masculins vivant chacun son type de crise existentielle. Thomas, Jean-François, Benoît: trois flics, trois psychés maganées.
Ce thème, la détresse mâle, Patrick Huard était heureux de pouvoir l'explorer plus avant: «Dès mon premier spectacle solo, et c'était il y a 20 ans, je traitais de la masculinité, de ses aléas. J'ai toujours parlé de ça, écrit là-dessus... Alors comme réalisateur, c'est un sujet qui m'interpelle naturellement et duquel j'essaie non seulement de dégager l'humanité, mais aussi l'humour.»
Confirmation d'une vocation
Hormis qu'ils permettent de mesurer l'évolution du réalisateur, de ses gains côté assurance à l'élargissement de sa palette technique, le vidéoclip Un beau grand slow, le film Les 3 P'tits Cochons et maintenant Filière 13 confirment tous une chose: Patrick Huard prend plaisir à créer des images. «J'adore réaliser, c'est vrai. Paradoxalement, ici, on peut rarement tourner le film qu'on a en tête. Question de coûts, mais aussi de durée de tournage, ce qui revient un peu au même. Parfois, on doit se résoudre à changer une scène ou à carrément la couper.» Par exemple, on devra faire sans une séquence qui nécessitait une météo précise qui ne s'est malheureusement pas manifestée pendant la période allouée au tournage. On a rarement les moyens d'attendre que dame Nature soit bien disposée. «J'ai des copains réalisateurs qui sont malheureux de ces contraintes de production et qui sont dans une sorte d'antagonisme par rapport à cette réalité-là. Comme on n'a pas les budgets de Hollywood, on doit être prêts à se montrer flexibles afin de s'ajuster sans trahir le projet.»
Quand vient le moment de parler de technique pure, le regard de Patrick Huard s'anime d'un éclat particulier. Au fait des derniers gadgets et technologies reliés à la mise en scène, le cinéaste confirme que c'est la réalisation qui le passionne davantage. Car bien qu'il veuille retourner sur scène, poursuivre sa carrière d'acteur et celle de scénariste, il semble acquis que c'est avec l'oeil collé à l'objectif que Patrick Huard se trouve le mieux. «Avec le temps, je vois de plus en plus mon avenir, ma pérennité comme artiste, en tant que réalisateur.»
En la matière, il a une idole, un modèle qui l'inspire et dont le succès sur la durée est une source constante d'émerveillement. «J'ai déjà dit combien j'admire Clint Eastwood, son parcours professionnel et, plus que jamais, c'est à ce genre de façon de faire que j'aspire. À 80 ans, il continue de faire ses films comme il les a toujours faits: en montant ses productions avec des budgets largement sous la moyenne afin que le studio le laisse travailler tranquille. Et il fait toujours appel aux mêmes collaborateurs, à la même équipe.» Cette approche familiale du cinéma que privilégie Eastwood, Patrick Huard la met d'ores et déjà en pratique.
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Collaborateur du Devoir