Remake à la con

Encore une fois, on peut remercier Hollywood d'avoir amélioré un produit étranger afin de nous le servir bien tiède dans sa sauce morale à la guimauve. Quand on est pressé, c'est génial: on peut avaler la soupe d'un trait sans même y goûter. Après tout, qui a besoin de ces indigestes comédies françaises cuisinées avec un fond de réflexion? On en a chaque fois pour des heures à les digérer. On y rit beaucoup plus, certes, mais se bidonner demande alors un tel effort...
Dinner for Schmucks revisite le succès scénique et cinématographique de Francis Veber Le Dîner de cons. Pour mémoire, l'intrigue relate la déconfiture d'un cadre suivant sa rencontre avec un hurluberlu qu'il comptait ridiculiser lors d'un dîner et dont il ne parvient plus à se défaire. L'idée d'un remake circule depuis plus de dix ans. Après visionnement, on comprend vite les raisons d'une si longue gestation. En effet, en gonflant la durée d'une heure vingt à tout près de deux heures, les producteurs ont dû cogiter ferme afin d'inventer de nouveaux personnages et des situations inédites destinés, justement, à bonifier l'affaire.À ce chapitre, on est gâtés. Les deux meilleures trouvailles: parce que l'art contemporain, c'est drôle, on a droit aux frasques d'un artiste libidineux (ne le sont-ils pas tous?) et, parce que les accents, ça fait encore rire, on glisse dans l'histoire un millionnaire suisse. Autre bonne idée, remplacer la maîtresse de l'arroseur arrosé par une admiratrice aux tendances psychopathes rencontrée avant la fiancée. C'est plus propre, on préfère. On se souvient également que, dans l'original, Jacques Villeret jouait l'idiot de service avec le plus grand sérieux. Ici, un Steve Carell déguisé grimace à qui mieux mieux, une bien meilleure approche de la comédie, on en conviendra.
Ah oui, un dernier point: Le Dîner de cons jouait la carte de l'ironie, celle du sort, jusqu'à la fin. Heureusement pour nous, les scénaristes de Dinner for Schmucks ont plutôt reçu commande de miser à fond sur la sensiblerie en permettant au vrai con, celui qui entendait rire de l'autre à son insu, de vivre une épiphanie lors du dénouement. Un ajout d'autant plus satisfaisant que, dans cette version-ci, le personnage n'est pas un salaud calculateur, mais plutôt un bon gars victime des circonstances. Ainsi, celui dont la vie s'écroulait à la fin du film de Francis Veber récupère la sienne à l'issue du remake de Jay Roach. Après tout, l'ironie, ça amuse qui?
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Collaborateur du Devoir