Dolan Bang Bang

Scène du film «Les Amours imaginaires»
Photo: Remstar Scène du film «Les Amours imaginaires»

La projection cet après-midi à Cannes du deuxième long métrage de Xavier Dolan, «Les Amours imaginaires», a été accueillie au fil de départ par une foule enthousiaste, qui a rempli la salle Debussy à pleine capacité, au fil d’arrivée par des applaudissements nourris et sincères, les premiers à résonner aussi fort dans le Palais des Festivals depuis le début de l’événement mercredi.

Entre ces deux instants s’est débobinée, en une heure et quarante deux minutes, une œuvre vivante, d’une jeunesse éclatante, d’un style épatant, accroché toutefois à un scénario mince et friable sur les malentendus amoureux et les amitiés trahies.

Le récit minimaliste est centré sur une fille «straight» (Monia Chokri) et son copain gay (Dolan) qui ont dans la peau le même garçon (Niels Schneider). Ce beau grand blond aux cheveux bouclés, qui leur envoie des signaux ambigus et mixtes à tous les deux, est-il le Petit Prince de St-Exupéry, le Tadzio de «Mort à Venise», un spécimen mâle de la Jeanne Moreau de «Jules et Jim», le vampire Edward de «Twilight», ou tout simplement un bête allumeur?

Dolan, qui le filme comme un dieu grec, s’abstient d’y répondre. Mais il ne le met pas à l’abri du jugement des spectateurs, auprès desquels, faute d’approfondir le personnage, le détonateur de tout ce dérèglement hormonal perd assez rapidement de son charme. Parallèlement, l’attirance qu’éprouvent pour lui les deux amis croît en intensité.

Le film subit ainsi une sorte de panne de moteur dramaturgique, que Dolan, très habile, compense par des épisodes de mise en abyme intercalés dans le récit, où des jeunes adultes, étrangers à l’action, racontent leurs mésaventures et malentendus amoureux.

Pareillement, les scènes courtes, dialoguées au scalpel (l’oreille de Dolan pour les dialogues est une rareté chez nous), s’inscrivent dans une musique formelle qui comprend des plans serrés sur des nuques avançant au ralenti, des regards lourds de sens qui s’échangent ou échappent à leur cible, un Bang Bang de Dalida qui revient en leitmotiv et une suite pour violoncelle seul de Bach qui recentre le film sur la mélancolie de son auteur.

Xavier Dolan a fait un grand pas depuis «J’ai tué ma mère». Il a affiné son style et sa grammaire, pris de l’assurance et du métier. Mais tout en confirmant qu’il est là pour rester et qu’il n’a pas volé la place qu’il occupe sur toutes les scènes de cinéma du monde depuis un an, «Les Amours imaginaires» confirme aussi que le cinéaste mûrit plus rapidement que le scénariste.


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