États généraux - Penser l'avenir de l'ONF
Lundi soir, un groupe de réalisateurs, d'enseignants en cinéma et d'amis du septième art s'étaient réunis à la Cinémathèque québécoise. But de ces états généraux: exprimer une inquiétude quant aux nouvelles orientations de l'ONF et s'interroger sur l'avenir de l'institution. L'initiative était celle du Comité du visible, qui entend «provoquer des ruptures du consensus ambiant sur tous les fronts de la culture pétrifiée.»
Le Comité s'inquiète sur plusieurs fronts: les créateurs d'images écartés, remplacés par des avocats, des gestionnaires et des spécialistes des communications, un virage numérique qui ne lui semble pas guidé par une nécessité artistique, la disparition de la collection Mémoire au profit des films en ligne, etc. «Ce qui manque, c'est une masse critique de créateurs, versus les administrateurs», affirmait le documentariste Denis Desjardins. Tous s'endentaient sur la vigueur du cinéma d'animation dans la boîte, mais déploraient des lacunes dans les autres champs.Lundi soir, dans une ambiance souvent confuse, des voix se sont élevées, dont celle du professeur Germain Lacasse qui s'inquiète de voir cette boîte de production qui fut une des plus fertiles du monde, auréolée de talents phares, dépenser aujourd'hui des fortunes pour un site Web.
Aux yeux du cinéaste Sylvain L'Espérance, ce virage numérique était indispensable. «L'Office national du film a toujours été un chef de file pour l'avancement des nouvelles technologies. Il est normal qu'il s'adapte. Mais on ne met pas assez de créateurs au coeur du processus de transformation.» Pascale Ferland, autre cinéaste, après avoir approché l'ONF se serait fait dire: «On a envie de travailler avec toi, mais change ton sujet». «Il y a là-bas une tendance à contrôler, à censurer pour que les films soient dans l'air du temps», déplore-t-elle.
Plusieurs se montraient pessimistes quant aux interventions possibles. Des vidéos, des manifestes, des manifestations venant des voix de la marge ou d'anciens cinéastes permanents de l'ONF étant un peu tombés dans le beurre au fil du temps.
Rappelons que le budget de l'Office n'a pas été augmenté depuis 20 ans. L'époque où Gilles Carle, Gilles Groulx, Denys Arcand et compagnie y réinventaient le monde (souvent censurés tout de même) appartient au passé. Mais peut-être des propositions plus concrètes destinées à la direction émergeront-elles plus tard de ces états généraux. Il est question aussi que l'ONF déménage ses pénates au centre-ville et délaisse ses locaux éloignés de la Côte-de-Liesse, d'ailleurs douloureusement vides.