Les machines d'à côté

Comme tout le reste, les robots ne sont plus ce qu'ils étaient. Autrefois gigantesque amas de ferraille à la voix métallique (Lost in Space, ça vous dit quelque chose?), ils s'approchent toujours un peu plus d'une humanité confondante. C'est d'ailleurs cette perfection inquiétante qui traverse Surrogates, le nouveau joujou de Jonathan Mostow, celui qui a déjà manipulé un sujet semblable dans Terminator 3: Rise of the Machines.

Ceux qui évoluent dans un monde pas si différent du nôtre non seulement possèdent forme humaine, mais constituent des versions parfaites de leurs maîtres manipulateurs. Reliés aux robots par la pensée, les utilisateurs restent cloîtrés chez eux tandis que leur variation, jamais flétrie par le temps, travaille, s'amuse et... existe à leur place. Voilà pourquoi ce même univers ne connaît pas les horreurs du crime et les affres de la violence.

Tout pourrait changer lors-que survient un meurtre crapuleux et inusité: celui d'un clone... et par ricochet de son utilisateur, une trouvaille pour le moins dérangeante, d'autant plus que la victime est le fils de l'inventeur de cette technologie révolutionnaire. Greer (Bruce Willis), un agent du FBI, et sa collègue (Radha Mitchel) sont chargés de l'enquête, aux ramifications complexes. Car dans ce monde, des humains vivent dans un espace protégé, refusant d'être soumis à des machines qui vivent tout à leur place. Seraient-ils eux-mêmes les fauteurs de troubles? Pour le savoir, Greer devra sortir de son cocon cloné et affronter ses démons intérieurs.

Avec un trait plus noir et des protagonistes plus ténébreux, tout cela pourrait ressembler à l'univers de l'écrivain Philip K. Dick, dont l'oeuvre a inspiré Blade Runner, Total Recall, Minority Report, etc. Jonathan Mostow n'avait pas les mêmes ambitions, ou alors il fut tenu sous haute surveillance (le film est produit par Touchstone Pictures, une filiale de Walt Disney...). Il nous offre un petit monde ensoleillé et propret où le chaos occupe la part congrue alors que les méchants agissent à distance, et sombrent parfois dans les discours caricaturaux.

Son aspect léché, rose bonbon, calibré pour ne pas (trop) effrayer le spectateur, affiche tout de même une réelle efficacité, d'abord par le caractère inusité de cette symbiose entre l'homme et la machine, ce mélange de visions futuristes et de bonnes vieilles méthodes d'enquêtes dignes des polars de gare et un questionnement somme toute pertinent sur la déshumanisation d'un monde effrayé par la souffrance de sa condition imparfaite.

Vous me direz que, dans un film mettant en vedette Bruce Willis, c'est peut-être beaucoup trop sur les épaules d'une seule star. Les siennes sont suffisamment solides pour livrer la marchandise, nous faire croire à ses tourments et réussir à sauver (encore!) le monde de la catastrophe. Si le scénario de Surrogates avait ressemblé un tant soit peu à celui de 12 Monkeys, même Bruce Willis l'aurait vu tout de suite.

***

Surrogates
(v.f.: Clones)
Réalisation: Jonathan Mostow. Scénario: Michael Ferris, John Brancato, d'après la bande dessinée de Robert Venditti et Brett Weldele. Avec Bruce Willis, Radha Mitchell, Rosamund Pike, James Cromwell. Image: Oliver Wood. Montage: Kevin Stitt, Barry Zetlin. Musique: Richard Marvin. États-Unis, 2009, 89 min.

***

Collaborateur du Devoir

À voir en vidéo