Métaphore de mondes parallèles

Lancé en ouverture du Festival du nouveau cinéma, en présence de Michel Louvain, de ses admiratrices et du gratin du milieu cinématographique en étrange cocktail, Les Dames en bleu, de Claude Demers, donne le crachoir aux femmes après que des voix masculines se furent exprimées dans son Barbiers: une histoire d'hommes, en 2006.

Un documentaire sur Michel Louvain, ces Dames en bleu? Par la bande seulement. Les vraies héroïnes du film sont cinq femmes, choisies parmi des centaines d'admiratrices. Par-delà un amour fou voué au chanteur de charme, ahurissant fantasme romanesque, c'est la vie de ces femmes-là qui se dessine. Margot Jasmin, la plus intéressante du lot, est captée longuement, dans son quotidien, au crématorium où repose son mari, chez les sans-abri à qui elle tricote des foulards, à travers le dur récit de sa nuit de noces et de sa vie difficile. À une seule reprise, elle sera montrée en contact avec Louvain. Cette femme à la puissante authenticité nous offre les moments les plus émouvants du film. Les autres dames en bleu existent surtout à travers leur dévotion au crooner, dévotion qui prend des formes multiples, du musée maison avec photos de l'icône accrochées partout aux spectacles enfilés les uns après les autres dans l'espoir de retrouver je ne sais quel frisson d'une jeunesse engloutie.

On sait gré au cinéaste d'avoir évité le piège de la condescendance. L'unique façon d'aborder l'univers des admiratrices éperdues du chanteur de charme Michel Louvain était de le faire sans a priori. Claude Demers l'a compris et aborde son thème avec le doigté qui s'impose.

Le film, qui possède ses longueurs, est tendre, abondamment nourri de documents d'archives qui remontent la carrière de Louvain, d'abord au cours des années 1960, quand les ados lui manifestent leur pâmoison hystérique, puis au long de sa vie. Le spectacle des 50 ans de carrière de Louvain est filmé abondamment.

On peut trouver pathétiques parfois certaines scènes quasi surréalistes qui témoignent de cet amour fou et unilatéral, mais Les Dames en bleu est aussi une métaphore des mondes parallèles que chacun se construit pour échapper au réel. Ce besoin de rêver, présent chez tout être, trouble et confère au documentaire, par-delà ces détresses individuelles, une universalité.

À voir en vidéo