Catharsis de haut vol

Oeuvre riche, dense, percutante, originale dans sa forme, Valse avec Bachir constitue une plongée dans les séquelles de l’innommable et du choc post-traumatique.
Photo: Oeuvre riche, dense, percutante, originale dans sa forme, Valse avec Bachir constitue une plongée dans les séquelles de l’innommable et du choc post-traumatique.

Cet extraordinaire documentaire d'animation, en compétition au dernier festival de Cannes, primé ailleurs, en nomination aux Golden Globes dans la catégorie meilleur film étranger, est un des bijoux de l'année. Un peu dans l'esprit de Persepolis de Marjane Satrapi, autre animation autobiographique, mais avec une esthétique beaucoup plus novatrice, Valse avec Bachir constitue une oeuvre catharsis de haut vol.

Le cinéaste israélien avait, durant son service militaire, accompagné son armée lors des massacres de Sabra et Chatila au Liban. Et les souvenirs de cet épisode horrible s'étaient envolés de sa mémoire. En retrouvant d'anciens compagnons, en les interrogeant, il voit resurgir le flot des souvenirs effacés. Les lieux de l'action se situent entre Israël, les Pays-Bas où vit un ami, et le Liban bien sûr: les camps, la plage de Beyrouth, etc.

Craignant qu'un documentaire classique n'affaiblisse son propos, Ari Folman a privilégié une approche plus ludique, parfois surréaliste, afin d'élargir son champ.

Il a d'abord tourné les interviews en studio, réalisé un story-board avec le matériel avant de le développer en 2300 dessins; certains en 3D, d'autres en animation classique ou flash. Ari Folman considère son film comme un documentaire animé, d'autant plus que la trame visuelle est reproduite à l'identique, mises à part les séquences oniriques, bien entendu.

Ce plaidoyer contre la guerre apparaît d'autant plus fort que le cinéaste, en montrant les traumatismes de ces boucheries d'État à travers les étapes de sa lutte contre l'amnésie, ne cherche pas à effectuer une charge anti-belliciste. Il se contente d'observer en lui, comme chez les victimes directes, les ravages de ces conflits absurdes, laissant au spectateur le soin d'en tirer ses conclusions.

Ce contraste entre l'esthétisme des dessins et l'horreur du sujet traité protège le spectateur du choc du réel, à l'encontre d'un documentaire classique, mais pénètre plus profondément son inconscient, y insérant des images de rêves; les 26 chiens qui pourchassent son compagnon, la femme géante portant le soldat dans les eaux de Beyrouth comme une sirène, etc. Pour restituer à la réalité son dû, Folman clôturera son film par les images sanglantes de l'expérience réelle.

Oeuvre riche, dense, percutante, originale dans sa forme, Valse avec Bachir constitue une plongée dans les séquelles de l'innommable et du choc post-traumatique, entre autoprotection et libération, à travers un voyage dans la sensibilité du cinéaste, qui devient aussi le nôtre.

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Valse avec Bachir

Réalisation et scénario: Ari Folman. Directeur d'animation: Yoni Goodman. Montage: Nili Feller.

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