Plus de temps à perdre

Film Séville
Marie-Josée Croze et Albert Dupontel dans Deux jours à tuer.
Photo: Film Séville Marie-Josée Croze et Albert Dupontel dans Deux jours à tuer.

Jean Becker s'est visiblement engagé dans sa dernière ligne droite. Après sa période Belmondo dans les années 1960, ses parties de campagne parfois dévastatrices (de L'Été meurtrier à Effroyables jardins), il ne ralentit pas la cadence des productions mais opte pour le regard du vieux sage, montrant des personnages qui aspirent à cette sagesse, loin de l'agitation.

La démonstration était quelque peu passéiste, et conservatrice, dans Dialogue avec mon jardinier. Avec une concision remarquable et un brin de mystère autour des agissements et des attaques verbales d'un odieux publicitaire (qui pourrait d'ailleurs croiser le fer avec celui de 99 F), Deux jours à tuer apparaît bien plus que la crise de la quarantaine d'un homme qui aurait «oublié de vivre».

Antoine (Albert Dupontel, redoutable et sensible à la fois) décide de tout balancer derrière lui et la somme est impressionnante: une épouse exemplaire (Marie-Josée Croze, dont l'interprétation l'est tout autant), deux enfants magnifiques, une baraque de rêve et un boulot de dingue, surtout quand il faut promouvoir un yogourt sans goût. Tout cela, et plus encore (ses amis bourgeois vont aussi y passer lors d'une fête qui tourne vite au cauchemar), va conduire Antoine sur le chemin de l'ignominie et peu après sur les routes de l'Irlande afin d'y retrouver un homme (Pierre Vaneck, sobre même dans la détresse) avec qui il a (encore!) des comptes à régler.

Petit drame conjugal, jeu de massacre grinçant, escapade dans la campagne verdoyante (chez Becker, c'est un passage obligé), tous ces moments finissent par trouver leur parfaite cohésion dans une finale lumineuse et éclairante, que l'on aurait tort de dévoiler ici. Car de l'ambiguïté du titre, qui évoque les meilleurs polars, aux motivations souterraines d'un héros que l'on se plaît à détester très vite, Deux jours à tuer évite souvent le verbiage psychologique pour saisir de manière frontale un drame qui n'est pas qu'existentiel.

Les apparences sont parfois trompeuses, et elles le sont très souvent dans ce film de Becker, d'un rythme étonnant pour celui qui, disons-le, semblait prendre plaisir à traîner les pieds dans Dialogue avec mon jardinier. L'urgence de dire, avec intelligence et sans trop de sensiblerie, donne un merveilleux souffle à Deux jours à tuer, celui de ceux qui n'ont plus de temps à perdre. Devant comme derrière la caméra.

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Collaborateur du Devoir

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Deux jours à tuer

Réalisation: Jean Becker. Scénario: Jean Becker, Éric Assous et François d'Epenoux d'après son roman. Avec Albert Dupontel, Marie-Josée Croze, Pierre Vaneck, Alessandra Martines. Image: Arthur Cloquet. Montage: Jacques Pibarot. Musique: Alain et Patrick Goragueur. France, 2008, 85 min.

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