Cinéma - Deux visions qui se conjugent

Rencontrés à l'occasion de la sortie québécoise de Deux jours à tuer, le dernier film de Jean Becker, le cinéaste français et sa vedette féminine, Marie-Josée Croze, se livrent à l'exercice obligé de la promotion avec candeur et vivacité.
Deux jours à tuer partage de nombreuses similitudes avec le précédent film de Becker, Dialogues avec mon jardinier. Sans trop révéler l'intrigue du premier, disons que les deux films pourraient aisément représenter les deux faces d'une même pièce, quoique le réalisateur affirme avoir abordé ce projet sans a priori. «Il y a le thème commun de la finalité, vous avez raison, mais pas du tout traité de la même façon. Dialogues avec mon jardinier, c'est le récit d'une amitié. Ce qui m'a plu dans Deux jours à tuer, c'est qu'il s'agit, on s'en rend compte à la fin, d'une histoire d'amour, mais à l'envers... En fin de compte, Antoine fait tout ça afin d'éviter à sa femme Cécile de souffrir davantage. L'amitié, l'amour, il faut conserver cela. Les deux films formulent aussi ce souhait.»L'amour est ici personnifié par Marie-Josée Croze, mère et épouse comblée qui voit sa vie basculer le temps d'un coup de fil. Sa Cécile est tour à tour blessée, cassante et résignée, jamais prévisible. Le personnage aurait aisément pu déboucher sur une caricature, mais il devient complètement crédible entre les mains de la douée comédienne, qui nous happe dès le premier regard, qu'elle a envoûtant. «J'avais des appréhensions. Des collègues me disaient que le rôle était ardu. Et c'est vrai qu'à la lecture, je me disais que c'était casse-gueule, que je pouvais me planter, avec les scènes de ménage, entre autres.»
Laisser le champ libre
Sauf qu'à la barre il y a Jean Becker, qui, au meilleur de sa forme, sait aller chercher le meilleur chez ses acteurs, qu'il s'agisse d'Isabelle Adjani et Alain Souchon dans L'Été meurtrier, de Vanessa Paradis et Gérard Depardieu dans Elisa ou encore de Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin dans Dialogues avec mon jardinier. Ici, il fait de même avec Albert Dupontel, Marie-Josée Croze et Pierre Vaneck.
Un peu comme feu Robert Altman, Becker rechigne à employer l'expression «direction d'acteurs». Comme le premier, il est plutôt enclin à leur laisser le champ libre. Le risque demeure toutefois calculé: «Je commence toujours la journée en répétant, seul, toutes les scènes. Mon père [Jacques Becker] faisait ça. Évidemment, je discute avec les comédiens durant le processus de pré-production afin de m'assurer qu'on va tous dans la même direction!» Ses balises en place, le réalisateur peut donc intervenir à l'occasion, le temps de préciser un enjeu dramatique ou d'éclairer une situation.
Cette approche lui réussit et trouve manifestement un écho chez Marie-Josée Croze. «L'acteur est toujours seul, mais tourner avec Jean Becker, c'est comme jouer au tennis avec un grand tennisman ou danser avec un grand danseur: ça peut être intimidant, mais on sait que ça va bien se passer. En fait, j'espérais surtout qu'il me trouve à la hauteur! C'est qu'il en a vu d'autres!» Qu'elle se rassure: comme c'est le cas dans Ne le dis à personne et Le Scaphandre et le Papillon, son personnage, s'il ne cumule pas énormément de temps à l'écran, laisse une empreinte indélébile sur le film. Et ce mérite, il revient à son interprète.
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Collaborateur au Devoir