Un taxi pour l'enfer

À mi-chemin entre le documentaire fauché tourné dans l’urgence et le drame de guerre spectaculaire, Under the Bombs effectue une habile synthèse des deux genres.
Photo: À mi-chemin entre le documentaire fauché tourné dans l’urgence et le drame de guerre spectaculaire, Under the Bombs effectue une habile synthèse des deux genres.

Recréer les horreurs de la guerre à l'écran n'est pas une mince tâche, car la moindre explosion et le plus petit char d'assaut valent parfois leur pesant d'or. Pour le cinéaste franco-libanais Philippe Aractingi, tout cela, et malheureusement plus encore, s'est offert à l'oeil de sa caméra sans même qu'il ait à le demander. En août 2006, Beyrouth et le sud du Liban ressemblaient une fois de plus à un immense champ de bataille doublé d'un amas de ruines après 33 jours de bombardements par l'armée israélienne.

Lors du cessez-le-feu, d'une solidité toute relative, il s'est littéralement jeté dans la mêlée, utilisant ce chaos pour rendre avec un réalisme encore plus authentique la quête désespérée d'une mère à la recherche de son fils de six ans. Dans Under the Bombs, les édifices éventrés, les bretelles d'autoroutes plongeant dans le vide et les navires de guerre défigurant la beauté de la Méditerranée constituent les bornes d'un parcours impossible. Et la fébrilité des personnages n'est jamais feinte puisque le cinéaste les observe sur les lieux mêmes de leur désespoir, au milieu de ce qui ressemblait à un village, au centre d'une fosse commune encore puante ou dans une école dont résonnent dans les couloirs les pleurs des réfugiés.

Dans cette aventure cinématographique peu banale, il a entraîné avec lui Georges Khabbaz et Nada Abou Farhat, deux vedettes de la télévision libanaise, jouant parfois sans filet, improvisant à l'occasion, traversant des décors qui n'ont rien de rassurant. Le prétexte de cette escapade casse-cou n'a rien de très original — un chauffeur de taxi accepte de conduire une riche Libanaise établie à Dubaï et revenue au pays chercher son enfant alors qu'elle le croyait à l'abri de ses tourments conjugaux —, mais cette course périlleuse révèle surtout les blessures vives d'un peuple, les nombreux clivages culturels et religieux dans une même société et l'absurdité sauvage de toutes les guerres. Le tout avec aussi un brin d'humour, un parfum de séduction et une finale surprenante.

Ce portrait désolant, qui contraste avec l'euphorie contagieuse du film précédent du réalisateur, le tonifiant et coloré Bosta, utilise cette situation erratique pour en dévoiler toute son abyssale cruauté. À mi-chemin entre le documentaire fauché tourné dans l'urgence et le drame de guerre spectaculaire, Under the Bombs effectue une habile synthèse des deux genres, nous donnant l'impression d'être à la fois les témoins privilégiés d'un drame intimiste et d'une tragédie nationale.

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Collaborateur du Devoir

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Under the Bombs

Réalisation: Philippe Aractingi. Scénario: Michel Léviant, Philippe Aractingi. Avec Georges

Khabbaz, Nada Abou Farhat, Rawya El Chab. Image: Nidal Abdel Khalek. Montage: Deena Charara. Musique: René Aubry, Lazare Bohossian. France-Royaume-Uni- Liban-Belgique, 2007, 98 min. (v. o. avec sous-titres anglais).

* V.o., s.-t.f.: Cinéma du Parc.

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