Triste film cochon

Les tourments esthétiques des adolescentes paraîtront bien frivoles devant ceux qui affligent la pauvre Pénélope (Christina Ricci), portant au milieu du visage une malédiction faite à sa famille depuis plus d'un siècle et finalement matérialisée: un nez de cochon. Recluse dans le château de ses parents comme la Bête du célèbre film de Jean Cocteau, elle croit qu'un mariage pourra contrecarrer le mauvais sort.

C'est la prémisse amusante du premier long métrage de Mark Palansky, Penelope, situé dans une ville évoquant les charmes vieillots de Londres avec une touche de clinquant new-yorkais, tandis que les personnages s'expriment avec toutes sortes d'accents, sauf les plus britanniques... Et ce n'est pas la seule confusion que le film cultive, jonglant avec différents genres, de la comédie romantique à la petite fable au parfum de sorcellerie, sans pour autant nous convaincre que le cinéaste maîtrise les codes de chacun.

Devenue une jeune femme étouffant derrière les grilles de son palais, Penelope n'en peut plus des cris d'horreur des prétendants qui défilent devant elle, une initiative de sa mère (Catherine O'Hara, la caution burlesque du film), déterminée à marier sa fille coûte que coûte. Mais le secret de l'existence de Pénélope devient de moins en moins bien gardé car des esprits retords veulent dévoiler à la face du monde son visage singulier. Un fiancé potentiel humilié et un journaliste fouineur utilisent le désarroi d'un jeune parieur fauché, Max (James McAvoy, blafard et éteint), pour séduire Pénélope, et la sortir de sa riche tanière. Assoiffée d'indépendance, ignorante des véritables motifs de la cour subtile de Max (qui se laisse prendre au jeu), elle décide, foulard au milieu du visage, de prendre la poudre d'escampette.

Le caractère proprement farfelu de l'intrigue pourrait convaincre le spectateur bienveillant si tout cela ne sentait pas, même pour le nez moins fin, la paresse brouillonne. Le malaise persiste d'ailleurs à chaque apparition de Ricci, pleine de candeur et de bonne volonté, efforts ruinés par une prothèse sentant le caoutchouc et la colle encore fraîche. Un détail, certes, mais qui donne au film des airs de série B tout en s'enrobant d'une allure faussement aristocratique.

Il y a également ce triste méli-mélo d'accents anglais et américains, destiné sans doute à amplifier le brouillage géographique et urbain mais qui écorche les oreilles plutôt que de les séduire. Dans le rôle (très) secondaire de la bonne copine, visiblement pour appâter une partie de ses admirateurs, Reese Witherspoon, également productrice du film, semble sortir d'une sitcom ratée; chacune de ses répliques constitue une insulte aux demeures somptueuses et aux rues pittoresques qu'elle fréquente.

Sans la présence de James McAvoy, d'une noblesse exquise dans le magnifique Atonement de Joe Wright, Penelope aurait-il pu s'échapper des coffres de son distributeur? Rien n'est moins sûr, mais une chose demeure certaine: j'ai vu des films cochons plus réussis que celui-là.

Collaborateur du Devoir

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Penelope (v.f.: Pénélope). Réalisation: Mark Palansky. Scénario: Leslie Caveny. Avec Christina Ricci, James McAvoy, Catherine O'Hara, Peter Dinklage. Image: Michel Amathieu. Montage: Jon Gregory. Musique: Joby Talbot. Royaume-Uni, 2006, 103 min.

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