Une étude fait état de la situation difficile des réalisatrices

Plus ça change, plus c'est pareil. Non seulement les réalisatrices québécoises sont sous-représentées dans le paysage audiovisuel, leur proportion s'est dans certains cas amenuisée depuis cinq ans. Bien qu'elles constituent près de 45 % des effectifs étudiants dans le secteur audiovisuel, les réalisatrices n'obtiennent en aval que 10 %, 11 % et 14 % des fonds de production du Fonds canadien de télévision, de Téléfilm Canada et de la SODEC.
Dans un élan d'humilité, les réalisatrices ont par ailleurs tendance à réaliser des films avec de plus petits budgets que ceux de leurs confrères. Plus les budgets sont élevés (et plus la concurrence est féroce), comme dans les secteurs du long métrage de fiction (11 % de projets féminins acceptés), des spectacles, des variétés et des grosses séries télé, plus leurs rangs s'amenuisent. Davantage présentes au documentaire, toujours économes, elles font 30 % des films avec 18 % des fonds. À l'Association des réalisateurs, elles ne représentent que 29 % des effectifs.Telles sont une partie des conclusions de l'étude intitulée La place des réalisatrices dans le financement public du cinéma et de la télévision, publiée hier par les Réalisatrices équitables. Elles ont reçu l'appui de l'Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec et de l'Institut de recherches et d'études féministes de l'UQAM. Les données couvrent la période 2002-07.
La situation est moins dramatique chez les productrices (même si les femmes n'occupent que 20 % des sièges de cadre moyen ou supérieur) et chez les scénaristes que chez les réalisatrices. Mais une étude de la SODEC également publiée hier, avec des résultats comparables pour les réalisatrices, dévoilait qu'au sein de l'institution provinciale, les femmes scénarisent près d'un projet sur trois et qu'elles représentent un tiers des projets en production.
Né il y a un peu plus d'un an du ras-le-bol de réalisatrices québécoises qui tournaient trop peu et cherchaient leurs soeurs, l'organisme Réalisatrices équitables a d'abord voulu établir un constat chiffré de la situation, qui s'est avérée plus grave qu'on s'y attendait.
«On ne s'attendait pas à avoir des courbes décroissantes», a expliqué hier Francine Descarries, directrice de l'Institut de recherches et d'études féministes de l'UQAM. Les projets financés des réalisatrices sont passés de 26 % en 2002 à 23 % en 2007 au Fonds canadien de télévision et de 32 % à 25 % au Conseil des arts au cours de la même période.
En 20 ans, l'enveloppe attribuée aux réalisatrices a diminué de façon générale. Entre 1984 et 1987, elle a financé 16 % de femmes, contre 14 % en 2005-06. «Rien ne laisse présager que la situation va s'améliorer dans un proche avenir», a poursuivi Sophie Bissonnette. Même dans le volet des jeunes créateurs, la proportion de femmes n'est que d'un tiers.
Sans jeter la pierre aux producteurs et aux productrices, qui présentent aux institutions beaucoup moins de projets de femmes que d'hommes, les Réalisatrices équitables attribuent cette situation à un système général favorable aux hommes.
L'étude ne cible pas la nature des nombreux filtres qui défavorisent les femmes, mais ceux-ci vont du «boys' club» aux postes de commande au manque de confiance en elles des femmes, qui s'autocensurent.
Il y a 25 ans, le collectif Moitié-Moitié réclamait la parité hommes-femmes à la tête des films financés. Aujourd'hui, les revendications des Réalisatrices équitables sont différentes. La cinéaste Marquise Lepage a énoncé les recommandations hier. Celles-ci vont de la réaffirmation du principe d'équité hommes-femmes par Québec et Ottawa à des mesures et des programmes incitatifs créés par les organismes responsables. Également au menu: poursuivre les recherches pour déterminer les obstacles à l'équité et fonder un observatoire sur la situation des femmes dans l'industrie cinématographique.
Des représentantes des Réalisatrices équitables veulent rencontrer la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, et la ministre du Patrimoine canadien, Josée Verner, afin de les sensibiliser à ce problème.