Cinéma - Le mauvais rêve de la société moderne
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La Société du spectacle
Réalisation: Guy Debord. 1973. Documentaire en noir et blanc.
À Ex-Centris.
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La Société du spectacle du situationniste français Guy Debord est un ouvrage qui a tellement circulé et fait date que de voir ou revoir le documentaire qu'il a inspiré à son auteur est une autre source de joie. Publié en 1967, mais ayant trouvé sa rampe d'envol lors des événements parisiens de Mai 68, son discours demeure d'actualité dans son essence. La société de consommation est un ogre qui nous dévore et tue l'essence de chaque être humain.
Ses théories, brillantes, sont portées de nos jours à leur illustration la plus folle, à travers la «peopolisation» à outrance et le culte de la vedette. Les images ont pris le pas sur le réel. Tout devient marchandise, même les gens, privés de substance sous le regard hagard de l'autre.
«Le spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchaînée, qui n'exprime finalement que son désir de dormir. Le spectacle est le gardien de ce sommeil», écrivait il y a 40 ans Debord dans une de ses fulgurances. Ou ailleurs: «C'est pourquoi le spectateur ne se sent chez lui nulle part, car le spectacle est partout.»
Si le film a vieilli, c'est dans son idéal révolutionnaire lui-même, car on n'ose plus rêver aujourd'hui à un renversement du système. Les pavés tirés par les étudiants de Mai 68 semblent issus d'un monde révolu. Mais les réflexions de Debord résonnent comme les échos de notre propre monde de fous.