Cinéma étranger - Par un soir d'hiver, les lumières du cinéma d'ailleurs

Photo: Christal Films
Paris, de Cédric Klapisch, un film sur la valeur de la vie au moment où l’on croit la perdre.
Photo: Photo: Christal Films Paris, de Cédric Klapisch, un film sur la valeur de la vie au moment où l’on croit la perdre.

Après un automne faste, où les cinéphiles avaient l'embarras du choix — et les critiques de cinéma quelques sérieux maux de tête à vouloir tout suivre... —, les prochains mois s'annoncent plus calmes sur le front du cinéma étranger. Conscients que beaucoup de Québécois semblent entrer en période d'hibernation culturelle, les distributeurs préfèrent offrir leurs trésors les plus précieux avant les Fêtes. Est-ce à dire que les amateurs de cinéma n'auront rien à se mettre sous la dent? Certainement pas. Voici d'ailleurs un petit tour d'horizon pour ceux qui croient que la vie, et le cinéma, ça se passe parfois hors de leur salon.

Les Chansons d'amour (25 janvier). Vous n'en pouvez plus de ces jeunes actrices françaises qui poussent la chansonnette avec moins qu'un filet de voix? Autant dire alors que la comédie musicale de Christophe Honoré n'est pas pour vous. Avec plus de légèreté que dans son film précédent, Dans Paris, il aborde la sempiternelle question des errances et des hésitations amoureuses de sa génération, plaçant Louis Garrel au centre d'un amusant ménage à trois. Ce Jacques Demy des années 2000 fait aussi chanter Ludivine Saigner et Chiara Mastroianni.

Frontières (1er février). L'horreur à la française est parfois d'un goût douteux, les cinéastes copiant les recettes américaines et croyant qu'avec un béret, une baguette et la tour Eiffel en arrière-plan, le spectateur n'y verra que du feu, et beaucoup d'audace. Xavier Gens saura-t-il faire mentir cette prédiction? Dans Frontières, la réponse hexagonale à Hostel et Saw (et à la prison de Guantánamo, mais ça c'est une tout autre histoire... ) s'annonce pleine de sous-entendus sur le climat social qui secoue la France actuelle. D'ailleurs, un groupe de jeunes de la banlieue venant de foutre le bordel un soir d'élection présidentielle se retrouve coincé malgré eux dans un repaire de néonazis à l'imagination fertile, et morbide.

The Band's Visit (8 février). Depuis plus d'un an, The Band's Visit, du cinéaste israélien Eran Kolirin, est le véritable succès-surprise de tous les festivals de films, de Cannes à Montréal. Tous craquent pour les mésaventures de cette fanfare formée de policiers égyptiens, invitée en Israël pour l'inauguration d'un centre culturel arabe mais qui, à son arrivée à l'aéroport, semble oubliée de tous. Le voyage de ces policiers les conduira au fond du désert, mais surtout au bout d'eux-mêmes, découvrant des voisins qu'ils avaient tendance à mépriser. Un film amusant et porteur de paix dans une région du monde qui en a bien besoin.

In Bruges (8 février). Se perdre à Bruges, sans conteste la plus belle ville de la Belgique, aux côtés de Colin Farrell et Ralph Fiennes? J'en connais plusieurs qui ne sauront pas résister à la tentation, peu importe si le cinéaste Martin McDonagh signe, pour son premier long métrage, l'équivalent d'un chef-d'oeuvre ou d'un navet. Dans cette comédie policière, deux tueurs à gages d'origine britannique doivent se réfugier dans le plat pays après un bain de sang à Londres, faisant du tourisme, et des rencontres étonnantes, en attendant un coup de fil de leur patron. Celui-ci se manifeste, avec une commande qui va brutalement interrompre ce séjour de rêve...

Les Témoins (29 février). L'apparition du sida au début des années 1980 avait sonné la fin de la récréation sexuelle de la décennie précédente, et ce, de manière particulièrement brutale. C'est cette période charnière, triste, angoissante et dévastatrice, que recrée André Téchiné (Les Égarés, Les temps qui changent) dans Les Témoins. Pour évoquer les débuts de cette épidémie et son impact sur la communauté homosexuelle française, il s'entoure d'Emmanuelle Béart, de Michel Blanc et de l'incontournable Julie Depardieu.

Caramel (8 mars). Après les bombes et l'horreur, la vie continue au Liban. C'est ce que la cinéaste Nadine Labaki nous prouve avec Caramel, un premier long métrage dont elle est également la vedette, entourée d'autres actrices incarnant les diverses facettes de la femme libanaise d'aujourd'hui. Dans ce salon de beauté où les potins vont bon train, elles prennent aussi le temps de s'entraider, et de contourner l'hypocrisie des deux principales communautés du pays, la chrétienne et la musulmane. Surtout quand l'une se découvre des penchants homosexuels et qu'une autre veut faire croire, grâce à une opération chirurgicale, qu'elle est toujours vierge... Un film pour les copines d'abord.

3 amis (14 mars). Après Patrice Leconte avec Mon meilleur ami, c'est au tour de Michel Boujenah de s'interroger sur la valeur de l'amitié... et sa fragilité dans les moments de crise. Dans 3 amis, le cinéaste retrouve Pascal Elbé, qu'il avait dirigé dans son premier long métrage, Père et fils. Il partage la vedette avec Mathilde Seigner et Kad Merad, celui qui incarnait ce père si bouleversant dans Je vais bien, ne t'en fais pas, de Philippe Lioret. Et d'ailleurs, un autre Philippe fait aussi une brève et touchante apparition dans le film: le grand Noiret, peu de temps avant sa mort, vient illuminer le film de sa présence inimitable, et regrettée.

Paris (21 mars). Chic, un nouveau film de Cédric Klapisch! Et une fois encore, pour notre plus grand bonheur, il fait appel à son acteur fétiche, Romain Duris, et à d'autres visages bien connus, comme Juliette Binoche, Fabrice Luchini, Karin Viard et Albert Dupontel. Le réalisateur de L'Auberge espagnole et de Chacun cherche son chat s'offre ce qu'il y a de mieux pour ce film sur la valeur de la vie au moment où l'on croit la perdre. Bon? Pas bon? Les paris sont ouverts.

La Fille coupée en deux (avril). Comme avec Woody Allen, les cinéphiles ont droit à leur Chabrol annuel et, peu importe la qualité du cru, il faut savourer... pour mieux le comparer. En voie de devenir le pendant masculin d'Isabelle Huppert, Benoît Magimel se taille une belle place dans l'univers de celui qui écorche, si bien et depuis si longtemps, l'hypocrisie de ses compatriotes. Cette fois, avec la permission de Bertrand Tavernier (c'est du moins ce qu'il affirmait en entrevue au Devoir l'an dernier lors de la sortie de L'Ivresse du pouvoir), il plante sa caméra à Lyon pour suivre les amours complexes d'une présentatrice météo (Ludivine Saigner), aimant en même temps un jeune arriviste (Magimel) et un vieil écrivain à succès (le toujours fabuleux François Berléand). Encore une fois, la province n'a qu'à bien se tenir!

Le Deuxième Souffle (11 avril). Alain Corneau avait depuis longtemps délaissé le genre qui avait fait sa réputation: le film noir. Dix ans après Le Cousin, le réalisateur y revient et décide de suivre les traces d'un de ses maîtres, Jean-Pierre Melville, le premier à avoir adapté pour le cinéma, en 1966, le roman de Jose Giovanni Le Deuxième Souffle. Quand un gangster vieillissant (Daniel Auteuil) tente un dernier coup que l'inspecteur Blot (Michel Blanc) refuse de voir rester impuni, la chasse s'annonce impitoyable. Le piège se révèle complexe et est filmé avec un souci esthétique à faire baver d'envie, paraît-il, Wong Kar-wai. Car les années 1960 sont ici décrites sur le mode baroque et flamboyant, où brillent Monica Bellucci, Jacques Dutronc et Gilbert Melki.

Promets-le moi (date de sortie à confirmer). Le cinéaste Emir Kusturica avait promis, au siècle dernier, qu'il ne toucherait plus à une caméra. Après tant de succès et de prix prestigieux (ceux qui ont obtenu la Palme d'or à deux reprises forment un club très sélect... ), il s'est laissé tenter plus d'une fois. Et pas toujours pour les bonnes raisons. C'est du moins ce que plusieurs affirment devant Promets-le moi, qui n'aurait ni le souffle ni l'humour de ses grands films, comme Papa est en voyage d'affaires ou Underground. Par contre, ceux qui le suivent depuis longtemps vont reconnaître un vieil habitué de son cinéma, l'acteur Miki Manojlovic, qui mène, grâce à Kusturica, une véritable carrière internationale.

Un baiser s'il vous plaît (date de sortie à confirmer). Toutes les étiquettes et les comparaisons (flatteuses) lui collent à la peau. Devant Vénus et Fleur ou Changement d'adresse, on pense, le sourire aux lèvres, aussi bien à Éric Rohmer qu'à Woody Allen. Chez Emmanuel Mouret, le bavardage amoureux cache toujours une foule de sous-entendus et provoque son lot de surprises; Un baiser s'il vous plaît ne fait pas exception. Une fois encore, des personnages en quête d'amour se croisent: certains résistent à la tentation de l'adultère tandis que l'antihéros incarné par Mouret s'inquiète de ne pas être trop porté sur la chose. Preuve que le cinéaste commence à s'imposer, des acteurs connus viennent lui prêter main-forte, comme Julie Gayet, Virginie Ledoyen et le plus francophile des Italiens, Stefano Accorsi. Et, comble de bonheur, la très blonde — et fière de l'être! — Frédérique Bel est aussi de la partie.

Faro, la reine des eaux (date de sortie à confirmer). Les films africains se font toujours rares sur nos écrans malgré les efforts louables et constants de Vues d'Afrique. Pour son premier long métrage, Salif Traoré, cinéaste originaire du Burkina Faso, illustre le choc entre tradition et modernité, un thème récurrent chez les réalisateurs africains. Le retour de Zanga, né d'une relation adultère, provoque de curieux incidents dans son village natal. Déterminé à connaître l'identité de son père, il bouscule les villageois avec sa quête, eux qui l'avaient chassé à l'époque, et semble même créer des remous aquatiques, inquiétant Faro, l'esprit du fleuve. Une histoire de famille, mais aussi celle d'une société en profonde mutation.

Fado (date de sortie à confirmer). Il fut pendant longtemps le psychanalyste de l'Espagne de Franco, mais dans les années 1980, c'est surtout son amour de la musique et de la danse qui a permis à Carlos Saura de demeurer dans le paysage cinématographique. Après le flamenco et le tango, il était tout naturel que le réalisateur de Carmen, de L'Amour sorcier et de Salomé s'intéresse au fado, la musique qui évoque si bien l'âme de ses voisins portugais. Dans ce documentaire, un genre peu fréquenté par le cinéaste, il tente d'en saisir le mystère et de nous faire partager ses plus délicieuses mélodies.

Collaborateur du Devoir

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