Carte blanche à Stéphane Lépine au cinéma du Goethe-Institut - Une Allemagne sans frontières

C’est en allemand que le réalisateur Éric Rohmer a tourné La Marquise d’O... (1976), une adaptation du récit d’Heinrich von Kleist. Photo: Goethe-Institut
Photo: C’est en allemand que le réalisateur Éric Rohmer a tourné La Marquise d’O... (1976), une adaptation du récit d’Heinrich von Kleist. Photo: Goethe-Institut

Difficile de déterminer si l'amour du septième art est aussi puissant chez Stéphane Lépine que celui qu'il porte à la littérature. Pour le codirecteur artistique du Studio littéraire de la Place des Arts, autrefois réalisateur et animateur à la défunte Chaîne culturelle de Radio-Canada, les deux passions s'amalgament, se répondent et participent de la même exigence.

L'homme est aussi un élève appliqué, cultivant un intérêt marqué pour la langue allemande, d'abord à Montréal, ensuite à Dresde, où il fait de longs séjours depuis 2003. C'est donc à cet étudiant exemplaire que le Goethe-Institut a demandé de concocter une programmation hivernale. Celle-ci reflète quelques pans glorieux d'une cinématographie marquée par l'histoire, mais l'Allemagne de Stéphane Lépine semble sans frontières, plutôt traversée par des cinéastes d'ailleurs qui en dévoilent d'autres paysages, d'autres pages.

Voilà pourquoi il ne faut pas s'étonner de voir qu'Éric Rohmer effectue le premier tour de piste de cette Carte blanche qui s'amorce aujourd'hui et se déroulera jusqu'au 2 mars prochain. Car c'est en allemand que le réalisateur du Rayon vert a tourné La Marquise d'O... (1976), une adaptation somptueuse du récit d'Heinrich von Kleist, publié en 1805 et pas si éloigné des tourments de ses héroïnes contemporaines qui peuplent ses Contes moraux et ses Comédies et proverbes. Et lorsque les personnages de Rohmer sont éclairés par ce grand maître de la lumière qu'est le directeur photo Nestor Almendros, nous sommes au comble du ravissement.

La même chose risque de se reproduire devant un autre outsider de la culture allemande, l'Italien Luchino Visconti, dont le Ludwig (1972) est présenté en version originale allemande avec sous-titres anglais (et exceptionnellement au Cinéma du Parc le 19 janvier à 19h et le 20 à 13h). Qualifiée de «décadentiste», cette somptueuse production fut charcutée par les distributeurs. Les spectateurs pourront heureusement contempler dans son intégralité la vision du cinéaste sur le mythique Louis II de Bavière. Et dans la foule se glisseront sûrement des inconditionnels de la grande Romy Schneider dans le rôle d'Elizabeth.

Bien sûr, les cinéastes allemands ne sont pas négligés, et Stéphane Lépine a pris un malin plaisir à donner dans le monumental en programmant Hitler - A Film from Germany (1977, présenté une seule fois, le 26 à 12h), une oeuvre que son auteur, Hans-Jürgen Syberberg, résume en ces termes: «Pas une histoire des hommes mais une histoire de l'humanité. Pas un film catastrophe, la catastrophe en tant que film.» En fait, il est surtout question d'observer «Hitler en nous»...

Toujours dans cet esprit de démesure, on ne peut passer outre Berlin Alexanderplatz (1980), l'adaptation-fleuve du roman d'Alfred Döblin par le non moins démesuré Rainer Werner Fassbinder. Ce chef-d'oeuvre de la télévision allemande, offert les 1er et 2 mars à 12h dans une nouvelle version remaniée, est bien connu des admirateurs du mauvais garçon du Munich, mais qui a vraiment osé s'y aventurer? Voilà votre chance.

Et pour ceux qui veulent lorgner du côté d'un cinéma plus intimiste, il faut découvrir le méconnu Rudolf Thome, influencé par Godard, parfois comparé à Rohmer mais somme toute inimitable, du moins dans le très beau Tarot (1985), une relecture contemporaine des Affinités électives de Goethe. Quand littérature et cinéma font si bon ménage, ça ne peut que ravir Stéphane Lépine.

***

Collaborateur du Devoir

***

- Pour connaître l'ensemble de la programmation, consultez le site www.goethe.de/montreal. Veuillez noter qu'à l'exception de Ludwig et de Berlin Alexanderplatz, toutes les projections au Goethe sont dorénavant offertes les jeudis et vendredis à 19h.

À voir en vidéo