Les virilités de l'ombre

Julie Perreault et Guillaume Lemay-Thivierge dans Les 3 P’tits Cochons
Photo: Julie Perreault et Guillaume Lemay-Thivierge dans Les 3 P’tits Cochons

Le film ne démarre pas si mal, avec un séduisant trio de frères au chevet de leur mère comateuse. Traditionnellement, le cinéma québécois n'a pas été très flatteur envers le sexe masculin (souvent écorché, avec une foule de profils bas). Ici, une brochette de beaux acteurs ne fait de mal à personne. En plus, au départ, malgré une réalisation boiteuse, les rôles ne sont pas si mal campés et les répliques s'enfilent assez bien. On se retrouve devant une comédie québécoise grand public plus ambitieuse que prévu (moins cliché que Bon cop, bad cop, scénarisé par Huard), avec un propos sur l'infidélité qui mérite d'être énoncé. Que le film Les 3 P'tits Cochons ne tienne pas ses promesses initiales est d'autant plus regrettable que le film possède un certain potentiel, côtés ton, thème et histoire.

Le conte des Trois Petits Cochons constitue une métaphore heureuse pour un trio d'hommes: place à celui qui possède une maison de paille, le plus susceptible de tromper son épouse: Mathieu (Claude Legault). Puis au propriétaire de la maison de bois, Christian (Guillaume Lemay-Thivierge), qui hésite avant de sauter le pas. Enfin, place au prétendument fidèle comme un roc, Rémi (Paul Doucet), à la riche maison de pierre.

Quelques bonnes idées sont sur la table. Le trio masculin est bien campé par le trio d'acteurs (surtout par Guillaume Lemay-Thivierge, si charismatique), mais le scénario laisse moins de chance aux figures féminines, qui manquent d'épaisseur. Celle d'Isabel Richer, avec quelques demi-teintes, peut encore se défendre, mais Mahée Paiement, dans la peau de la blonde qui séduit le premier «petit cochon», possède un profil caricatural hypersexualisé qui ne peut déboucher sur la moindre émotion. Les autres épouses (Sophie Prégent et Julie Perreault) héritent de partitions froides ou inconsistantes, qui les empêchent d'habiter leurs personnages.

France Castel, en mère plongée dans le coma, aurait pu constituer le déclencheur des meilleurs gags. Certaines scènes à caractère fantastique la mettent en scène, mais elles sont bien trop courtes et éparpillées. Cette figure maternelle mal exploitée empêche le film de s'élever au-dessus de lui-même, d'aborder des rivages vraiment symbolistes, de fournir à Huard une signature personnelle. Le comédien-humoriste en est à sa première réalisation et ne fait guère d'étincelles sur ce plan; son directeur photo non plus. Rares sont les scènes vraiment bien cernées. L'éclairage laisse souvent à désirer.

Surtout, trop de coupes se perdent au montage. Plus le film avance, plus les scènes s'éternisent sans raisons et moins les gags atteignent leur cible. Une histoire d'époux jaloux à propos de Christian, qui s'offre des séances de cybersexe avec sa femme, tombe complètement

à plat.

Le burlesque du personnage n'arrive guère à se marier avec le ton d'ensemble, au comique plus nuancé. Il y a quand même de bons moments, le dénouement inattendu se révèle très drôle et le trio masculin tient la route. Dommage qu'autour de ce noyau viril n'évoluent que des ombres...

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Les 3 P'tits Cochons

Réalisation: Patrick Huard. Scénario: Pierre Lamothe et Claude Lalonde. Avec Claude Legault, Guillaume Lemay-Thivierge, Paul Doucet, Sophie Prégent, Julie Perreault, Isabel Richer, France Castel, Mahée Paiement. Image: Bernard Couture. Musique: Stéphane Dufour.

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