John McClane, prise 4

John McClane avait-il péri dans les ruines du World Trade Center le 11 septembre 2001? Après trois Die Hard, dont le dernier remontait à 1995, on aurait pu le croire puisque Bruce Willis semblait se désintéresser du sort de ce détective new-yorkais aux manières rustres et aux méthodes musclées. Or McClane, même après toutes ces années, a conservé ce talent inimitable: celui d'être toujours au mauvais endroit au mauvais moment.
Devant Live Free or Die Hard, de Len Wiseman (un clippeur passé du côté de l'horreur avec Underworld), on pourrait même affirmer qu'il n'a pas tout à fait effectué le passage du XXe au XXIe siècle; évidemment, l'homme en est fier. En 1995, Internet était alors une technologie émergente et les disquettes ne ressemblaient pas encore à des fossiles issus d'une époque préhistorique. Pourtant, McClane n'y comprend toujours rien, davantage préoccupé à surveiller les fréquentations de sa fille et à jouer les blasés, lui qui a tout de même évité la destruction d'un vaste aéroport et d'une gigantesque tour de bureaux par de vilains terroristes. Voilà pourquoi il ne comprend rien à l'intérêt soudain du FBI pour un jeune hacker, Matt Farrell (Justin Long), dont la figure cadavérique témoigne de sa relation symbiotique avec son ordinateur.Il ne pourra afficher bien longtemps son désintérêt puisqu'une bande de tueurs professionnels veut la mort du gamin et de plusieurs de ses semblables. Peu à peu, entre les feux de circulation déréglés, les cellulaires en panne sèche et le FBI revenu aux méthodes de l'âge de pierre, on comprend qu'un esprit démoniaque, sous les traits d'un beau premier de classe (Timothy Olyphant), mène le jeu et s'apprête à mettre les États-Unis à ses pieds. En cette veille du 4 juillet (dans un patriotique effet de miroir entre le temps du récit et la date de sortie du film... ), McClane ne se laissera pas impressionner par quelques WASP assoiffés de vengeance contre un État sans respect pour sa belle jeunesse arriviste et suffisante (imaginez Timothy McVeigh maniant des virus informatiques plutôt que des bombes).
Douze ans plus tard, était-il nécessaire de ramener McClane et sa quincaillerie explosive à l'avant-scène? Hollywood étant nettement en panne sèche d'idées nouvelles, et non d'argent à gaspiller, ce retour ne pourra apparaître incongru à un public qui assimile le cinéma des années 90 à celui des premiers temps. Avec les traits et le crâne dégarni de Bruce Willis, Live Free or Die Hard n'est qu'une extravaganza estivale de plus, par ailleurs diablement bien menée par Len Wiseman, qui ne cherche pas ici à réinventer le genre mais à en célébrer les outrances.
Ce n'est d'ailleurs la mission de personne dans ce film, qui fait la part belle aux cascades prodigieuses et numérisées, la plus spectaculaire étant celle d'un avion chasseur se faufilant entre des bretelles d'autoroute. Willis réussit à prouver qu'il est encore dans le coup, capable d'ironiser sur la douleur provoquée par quelques chutes, la mode des arts martiaux (la belle et agile star du kung-fu Maggie Q en prend plein la gueule) et de rappeler à son jeune comparse avec qui il forme un tandem étrange qu'il y avait une vie, une musique et une culture avant Apple et Bill Gates. Remarquez que tout cela existait aussi avant Die Hard et qu'on s'en portait très bien.
***
Live Free or Die Hard (V.f.: Vis libre ou crève)
Réalisation: Len Wiseman. Scénario: Mark Bomback. Avec Bruce Willis, Timothy Olyphant, Justin Long, Maggie Q. Image: Simon Duggan. Montage: Nicolas de Toth. Musique: Marco Beltrami. États-Unis, 2007, 128 min.
***
Collaborateur du Devoir