Forcer ou encourager le doublage des films au Québec?

L'Union des artistes (UDA) et le Parti québécois ont uni leur voix hier pour demander à la ministre de la Culture et des Communications d'adopter des mesures législatives afin d'imposer le doublage des films de langue étrangère au Québec. Line Beauchamp a immédiatement écarté cette voie qui, selon elle, pourrait avoir des impacts négatifs sur «la présence et la diversité des films sur le territoire québécois».

Le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture, Daniel Turp, a déposé hier matin à l'Assemblée nationale une pétition signée par 20 498 personnes. Lancée par l'UDA, cette pétition réclame une modification de la Loi sur le cinéma de manière à ce que «la version française de toute oeuvre en langue étrangère diffusée et offerte au Québec soit réalisée au Québec».

La ministre Beauchamp estime qu'une telle mesure est inutile. Elle préfère, comme Louise Beaudoin et les députés de Taschereau et de Bourget avant elle, privilégier des mesures incitatives. «Nous allons continuer dans cette droite ligne tracée par les ministres précédentes.» Ces mesures ont fait leurs preuves, a-t-elle poursuivi. «En 1990, il y avait à peine 32 films doublés au Québec, 15 ans plus tard, nous en sommes à 103 films.»

Ces calculs ne montrent qu'un pan de la réalité, estime toutefois l'UDA. En effet, l'industrie québécoise semble perdre du terrain. Cette année, on estime que 72 % des films diffusés en salle auront été doublés au Québec alors que ce pourcentage s'élevait à 78 % en 2005 et en 2004. Pour M. Turp, il est clair que les compagnies étrangères déterminent encore quels films seront doublés au Québec. «Le sort de l'industrie du doublage au Québec est laissé entre les mains de quelques compagnies», a-t-il dénoncé.

Certains distributeurs américains refusent encore de doubler leurs films au Québec et l'ensemble des distributeurs refuse de s'engager à faire le doublage en français des films qui sont sur un support DVD. Ce dernier élément préoccupe vivement l'UDA car de plus en plus de films arrivent directement sur ce support. «Le marché se déplace vers le DVD mais aussi vers le téléchargement et, dans ces domaines, le Québec n'a aucun outil», déplore le vice-président de l'UDA, Raymond Legault.

L'UDA réclame depuis plusieurs années que le doublage se fasse systématiquement au Québec, comme cela se fait en France. Elle juge que l'industrie québécoise du doublage ne peut plus s'en remettre à des mesures ponctuelles. «Il faut toujours forcer la main des majors», rappelle M. Legault. Selon lui, une mesure législative n'aurait pas pour effet de refroidir l'intérêt des majors pour le Québec, qui demeure un marché lucratif pour le cinéma.

La ministre Beauchamp croit au contraire que le Québec perdrait au change en légiférant. L'UDA comme le PQ ont fait valoir hier que cette analyse ne tient plus la route. En effet, il y a deux ou trois ans, prendre des mesures législatives aurait pu s'avérer une arme à double tranchant, mais plus maintenant, estime Raymond Legault. «La loi sur la diversité culturelle est à mon sens un excellent appui qu'il faudrait mettre à profit.»

Même si la ministre Beauchamp n'est pas de cet avis, elle reconnaît cependant que les mesures en vigueur pourraient faire l'objet d'une révision. «La préoccupation [...], c'est de se dire: est-ce qu'on est capables de faire mieux? Est-ce qu'il y a de nouveaux marchés à développer? La réponse est oui», a dit la ministre, qui a notamment cité le marché des DVD.

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