Cinéma - Un dimanche à Marrakech

Fatou N’Diaye et Luc Picard se sont prêtés au jeu des séances photos, hier à Marrakech.
Photo: Agence Reuters Fatou N’Diaye et Luc Picard se sont prêtés au jeu des séances photos, hier à Marrakech.

Marrakech — Tout est question d'ambiance. Au Festival international du film de Marrakech, le film de Robert Favreau Un dimanche à Kigali, adapté du roman de Gil Courtemanche, génocide rwandais en fond de scène, a été particulièrement bien accueilli. Mieux qu'à Montréal. On sentait une vraie ferveur dans la salle.

Ce silence, puis ces applaudissements nourris... Assez pour que l'on puisse augurer un prix au palmarès sous le jury de Roman Polanski. Le Maroc, c'est l'Afrique du Nord, mais l'Afrique tout de même, dont le Rwanda est au centre. Un sentiment d'identification particulier doit jouer face au drame sanglant de 1994. 800 000 personnes avaient été tuées à la machette et au gourdin dans ce petit pays rwandais de vertes collines et de haines rouges à saveur ethnique...

Luc Picard estime qu'il en est des projections de films comme des représentations théâtrales. Une émotion se met à circuler ou pas. Une salle, c'est organique. Ça vit de sa vie propre. L'acteur montréalais est venu à Marrakech accompagner le film. Fatou N'Diaye, sa belle amoureuse à l'écran, aussi. On rencontre également la productrice Lyse Lafontaine, tantôt à son hôtel, tantôt au Palais des congrès, épicentre du rendez-vous de cinéma. Mais Robert Favreau brille par son absence, retenu par des ateliers à Montréal.

L'équipe de C.R.A.Z.Y., en compétition ici l'année dernière, avait beaucoup vanté à celle d'Un dimanche... le Festival de Marrakech. La chaleur de l'accueil, le charme de la ville, les bons moments partagés. Ce rendez-vous a acquis une bonne réputation aussi sur la planète cinéma, ces dernières années. Et le nom de Marrakech fait rêver.

Ni Luc Picard ni Fatou N'Diaye n'ont revu le film en entier avec le public marocain et les journalistes hier. La jeune actrice française d'origine sénégalaise n'a assisté qu'à une seule projection d'Un dimanche... et assure en avoir été bouleversée. À cause de la douleur du génocide dont les cicatrices sont encore partout, en elle aussi, puisqu'elle incarnait cette douleur-là.

Hasard: Marrakech a présidé dans l'ombre à la naissance d'Un dimanche à Kigali. Robert Favreau en a écrit le scénario en partie ici, lors des ateliers d'écriture Equinoxe qui se déroulaient dans la ville ocre en 2004.

Luc Picard n'en est pas à sa première visite à Marrakech. Pas plus que Fatou N'Diaye. Elle avait eu un petit rôle dans Astérix et Cléopâtre qui se tournait dans la région. Seule Lyse Lafontaine découvre vraiment l'endroit, les fêtes, l'esprit unique, exotisme en prime.

C'est après le film que l'équipe prend le pouls de sa réception.

Un journaliste marocain s'interrogeait en conférence de presse sur la pertinence d'avoir comme héros un Blanc paternaliste qui vient sauver la pauvre Afrique. Encore que le héros en question ne sauve guère sa belle des machettes ennemies. Mais la question avait sa pertinence. Le personnage du Blanc était pourtant moins odieux dans le film que dans le roman de Courtemanche...

Ici à Marrakech, les questions des journalistes nationaux tournent souvent autour de ces lancinants problèmes de colonisation culturelle ou politique, des liens établis ou pas entre le cinéma mondial et le septième art marocain.

Devait-on montrer le viol de Gentille de cette façon? s'interrogeait un autre. «Le viol est devenu une arme de guerre, a répondu avec à propos la productrice Lyse Lafontaine. Il faut le montrer pour mieux le dénoncer.»

Un dimanche à Kigali a fini sa course au Québec. Qu'en est-il de sa distribution internationale? Des négociations sont en cours avec la France et d'autres pays. Ça se discute, mais pas grand-chose n'est conclu. Quant aux Rwandais, premiers protagonistes du drame mis en scène, ils ne verront le film qu'au printemps prochain au

Festival de Kigali.

En tout cas, l'accueil de Marrakech semble dire qu'il existe un avenir pour Un dimanche... , malgré les nombreux films ayant traité du génocide rwandais et qui en traiteront encore. On verra bientôt celui consacré au général Roméo Dallaire.

Luc Picard, également cinéaste depuis son Audition, a d'autres projets de réalisation dans sa poche. Dont un film fantastique sur un scénario de Fred Pellerin, qui fera s'envoler un certain village, au coin de sa rue principale et de la légende pure laine. Loin, bien loin de Marrakech et de Kigali.

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Odile Tremblay est l'invitée du Festival international du film de Marrakech.

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