Courts métrages allemands au Goethe-Institut - Le programme des promesses
La sélection de courts métrages allemands récents proposée par le Goethe-Institut rendra jaloux bien des jeunes cinéastes québécois, tout particulièrement ceux qui rêvent d'une carrière en animation: certains apprentis disposent en effet de moyens et d'outils dignes de l'ONF ou de Hollywood! Par exemple, le film de fin d'études de Till Nowak, Delivery, représente bien plus qu'un exemple de maîtrise technique de l'animation numérique 3D. Récit bref et percutant, visions de l'avenir à la fois horrifiantes et teintées d'espérance, tout dans cette petite fable de science-fiction à saveur écologique démontre la virtuosité inspirée d'un cinéaste en devenir.
Des promesses de ce genre, la série «Coup de coeur - Courts métrages allemands» en réserve plusieurs, et justement en animation, secteur dynamique à en juger par l'impertinence qui se dégage du travail des réalisateurs et de la variété des techniques utilisées. Tous n'ont pas vendu leur âme, ou leur imagination, au numérique. Dans Meine Kleine Bio-Mahlzeit, Felix Müller utilise la pixellisation avec une énergie comparable à un Michel Gondry (dans ses vidéoclips ou son plus récent film, The Science Of Sleep). On célèbre ici les bienfaits des légumes biologiques, mais aucun agriculteur sérieux ne voudrait de ce petit morceau d'insolence aux couleurs vives et dont la finale, où le cinéaste se met en scène (et se couvre un peu de ridicule!), rappelle les chorégraphies de la troupe américaine Pilobolus. Même les marionnettes ne manquent pas de culot dans Kater, de Tine Klute. Ceux qui croient que les chats ont neuf vies en verront un qui ne perd pas de temps pour ressusciter afin de conquérir le coeur, et l'estomac, de celle qu'il aime.D'autres courts métrages affichent des prétentions plus formalistes, comme Come On Strange, de Gabriela Gruber, où des corps en état d'apesanteur deviennent de véritables tableaux, ou encore Behind The View, de Guo Gang, une fenêtre ouverte, et rapidement refermée, sur la Chine moderne et le visage parfois souriant, parfois anxieux, de ses habitants.
L'anxiété est aussi au coeur de Chaïm, de Jonathan Greenfield, l'évocation d'un drame familial qui, bien des années après la Deuxième Guerre mondiale, continue d'empoisonner la vie d'un homme. L'illustration de ses tourments n'a rien de séduisant, l'atmosphère pessimiste du propos se mêlant aux odeurs d'une poissonnerie et d'un appartement aux allures de dépotoir... Le remords ronge aussi la narratrice de Cousin et cousine, de Maria Mohr. Ces angoisses, ce sont celles d'une femme follement amoureuse de son cousin, une passion dévorante que la cinéaste évoque à travers des photographies, des films de famille, bref, un assemblage hétéroclite d'images dont la candeur n'est qu'apparente.
D'autres cinéastes allemands font preuve de plus de légèreté, et le tout débute de manière éblouissante par le travail minutieux, pour ne pas dire maniaque, de Volker Schneider dans Counter. Ce formidable décompte fait débouler des chiffres qui traversent les images de nombreux films américains, de Chinatown à la Tour infernale en passant par Monkey Business. Devant cette succession de numéros de porte, de lignes d'autobus, de taximètres ou de billets de banque, on éprouve un joyeux vertige où nos connaissances cinéphiliques sont mises à rude épreuve. Un joli exercice cinéphilique pour démarrer un programme consacré aux cinéastes qui, peut-être, feront le cinéma allemand de demain.
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- Série «Coup de coeur - Courts métrages allemands» présentée au Goethe-Institut, 418, rue Sherbrooke Est, le jeudi 12 octobre à 20h et le vendredi 13 octobre à 18h30. Pour le détail de la programmation, consultez le site www.goethe.de/montreal ou téléphonez au 514 499-0159.
Collaborateur du Devoir