Courts chemins à fréquenter
Entre les longs métrages fort attendus et les hommages bien mérités, dont celui à la formidable actrice Gena Rowlands, le FCMM demeure encore, après 31 ans, le lieu privilégié de la découverte. Et pour débusquer les nouveaux talents, voir et entendre d'autres manières d'aborder la réalité et la fiction, rien ne vaut les courts métrages.
Les festivaliers pourront en découvrir plus d'une cinquantaine jusqu'au 20 octobre. Les réalisateurs européens sont nombreux à répondre à l'appel, mais les cinéastes d'ici ne restent pas à l'écart, avec 16 productions sélectionnées. Regroupés dans 11 programmes aux thèmes variés (le corps, le baroque, le quotidien, l'histoire, les événements du 11 septembre 2001, etc.) et aux approches radicalement différentes, du fantastique à l'expérimental en passant par l'animation, les surprises ne manqueront pas.Quelques titres piquent immédiatement la curiosité. Il y a bien sûr Le Souvenir d'un avenir, de l'incontournable Chris Marker, réalisé avec Yannick Bellon. D'autres traitent de sujets qui ne manquent pas d'intérêt, comme l'univers des livres dans La Bibliothèque entre deux feux, de Serge Cardinal, ou la dictature en Argentine avec Tango De Olvido d'Alexis Mital Toledo. Parions aussi que le cinéaste et critique de cinéma Denis Côté risque une fois de plus de susciter de vifs débats parmi ses collègues des deux camps avec Rejoue-moi ce vieux mélodrame.
Parmi les quelques productions qu'il nous a été possible de visionner, certaines méritent une place de choix dans votre horaire car, contrairement aux longs métrages dont plusieurs feront les belles soirées d'Ex-Centris, leur prochain passage à Montréal est loin d'être assuré. C'est le cas de Je m'appelle de Stéphane Elmadjian, succession de portraits d'hommes anonymes, nouveaux damnés de la terre trop souvent oubliés, privés de liberté. Accompagné d'un récitatif ayant le ton d'un journal intime et la puissance d'un manifeste politique, cet essai se révèle d'une beauté rugueuse et hypnotisante. Tout aussi admirable mais beaucoup plus personnel, Boogie Woogie Pappa, d'Eric Bafving, qui retrouve les milliers de négatifs laissés par son père après sa mort. Derrière la banalité de ces photos de famille, il lève le voile sur la tristesse et les secrets d'un homme dévoué mais absent, rongé par l'alcool et obsédé par l'argent.
Toujours sur le ton de la confidence, Vincent Dieutre filme les derniers jours du XXe siècle dans la froideur de Chicago. Entering Indifference est un récit de voyage sans but précis, où tout repose sur le hasard des rencontres, la fragilité de l'instant, les désirs vite satisfaits et un regard mi-flatteur mi-ironique sur les États-Unis tels que vus par un Français de passage. Dans un registre plus humoristique, Miranda Pennell a cherché, par l'entremise des petites annonces, des «living-room dancers», ceux qui s'éclatent dans l'intimité de leur foyer comme s'ils étaient sur scène ou au beau milieu d'une discothèque. Plusieurs lui ont ouvert leur porte et le résultat, dans Human Radio, est tout à fait étonnant, sans compter la finale, particulièrement réussie.
Même ballet, cette fois plus sérieux, dans El Ring de Richard Gravel et Carl Valiquet. Le premier a agencé de belle manière les photographies du second, prises dans le quartier Centro Habana de La Havane, suite d'images en noir et blanc de la vie quotidienne des habitants de l'endroit mais surtout celles de jeunes boxeurs, dont on devine le désir de triompher sur le ring pour sortir de la misère. On pourra d'ailleurs s'attarder sur les photos de Valiquet puisqu'elles seront exposées à la salle Fellini d'Ex-Centris pendant tout le festival. Comme quoi il y a plusieurs moyens de célébrer le dynamisme et la créativité des réalisateurs de courts métrages.