Oliver Hirschbiegel se penche sur la violence

Il a une bonne tête rieuse mais accompagne un film profondément violent et dérangeant. Avec Das Experiment (L'Expérience), l'Allemand Oliver Hirschbiegel avait remporté en 2001 le prix de la réalisation au FFM. Le film avait alors impressionné les cinéphiles autant que le jury. Si bien qu'on a attendu longtemps sa sortie en salles commerciales. Des vendredi prochain, L'Expérience y sera.
Même s'il s'agit d'un premier long métrage, Oliver n'a pas l'impression d'avoir fait ses classes à travers lui. «J'ai réalisé huit téléfilms auparavant, dit-il, et je les ai tournés exactement comme s'ils étaient des films.»Le cinéaste allemand est tellement cinéphile qu'il a appris son métier à la cinémathèque et en visionnant à répétition les vidéocassettes des films des maîtres, imitant les plans d'Hitchcock, de Huston et de Hawks, dessinant parfois leurs story boards. Des grands du septième art, il a appris que tout est important, autant les figures de premier plan que les détails touchant les personnages secondaires.
L'Expérience, adapté d'un roman de Mario Giordano, met en scène deux groupes témoins invités à incarner des faux gardes et des faux prisonniers à des fins d'expérimentation psychiatrique. Mais tout ira de travers et finira dans un bain de sang.
«Nous sommes beaucoup moins civilisés que nous nous plaisons à le croire, estime le cinéaste. En nous survit l'instinct des chasseurs et des tueurs, comme chez ces faux gardes qui prennent leur rôle au sérieux et deviennent féroces. Si les prisonniers avaient été les gardes et les gardes les prisonniers, aurait-on assisté au même phénomène de violence? Je le crois. C'est la situation qui crée la violence.» Des psychologues ont d'ailleurs affirmé que les scènes les plus féroces du film demeuraient plausibles.
Cela dit, aux yeux du cinéaste, l'expérience décrite dans le film paraît un peu inutile aujourd'hui, tant on sait déjà quelles extrémités des êtres humains peuvent atteindre lorsqu'on leur offre une position de pouvoir.
«Dans le roman, les personnages étaient très caractérisés et j'ai conservé leur structure, explique Oliver Hirschbiegel, mais avec les comédiens, nous avons beaucoup improvisé. Le tiers environ des scènes sont le fruit de discussions.»
Le cinéaste allemand refuse de voir dans son film une métaphore du régime nazi dont l'horreur lui paraît sans rivale. «Mais il est vrai qu'en temps de guerre, des hommes normaux et pacifiques peuvent se transformer en bêtes sadiques qui violent et massacrent sans scrupules.» La métaphore touche aussi les mouvements de droite dont la montée en Europe effraie le réalisateur.
Hirschbiegel a donné le rôle principal du prisonnier rebelle à Moritz Bleibtreu, une grande vedette en Allemagne, mais recruta des comédiens peu connus pour le reste de la distribution, histoire de permettre au spectateur d'y croire et de s'identifier à certains personnages.
«À partir du moment où l'action s'emballe et où la violence se met de la partie, les scènes ont été tournées en continuité et sans cascadeurs. J'ai été étonné de constater à quel point les moments tragiques étaient vécus avec gravité et intensité par les acteurs. Personne sur le plateau ne songeait à prendre ça à la rigolade.»
L'Expérience a connu un franc succès dans plusieurs pays où le film fut distribué. Même aux États-Unis, où le cinéaste a reçu des propositions des Studios. On le courtise là-bas, et comme un des scénarios lui plaît, il est fort possible qu'Oliver fasse le saut à Hollywood, en essayant de ne pas trop y laisser son âme.