Au Festival Mural, l’artiste Saype invite à ne faire qu’un

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Depuis 2019, Guillaume Legros parcourt le monde afin de peindre sur de l’herbe ou du sable des mains anonymes entrelacées qui forment une sorte de chaîne humaine — bien plus forte que n’importe quel mur.

« Quand t’es là, tu sais pas trop, et quand tu prends le drone, t’as pigé. C’est ça qui est super drôle ! » Le Français Guillaume Legros, connu à l’international pour les oeuvres qu’il signe de son pseudonyme Saype, s’enthousiasme à l’idée de voir la réaction des Montréalais lorsqu’ils découvriront que la coulée blanc et noir qui semble se déverser sur le gazon du flanc nord-est du mont Royal, à l’angle des avenues du même nom et du Parc, représente en réalité l’une des oeuvres éphémères de sa série Beyond Walls.

Depuis 2019, Guillaume Legros, accompagné de son équipe logistique, parcourt en effet le monde, du Bénin au Brésil, en passant par l’Allemagne, les Émirats arabes unis et la Turquie afin de peindre sur de l’herbe ou du sable des mains anonymes entrelacées qui forment une sorte de chaîne humaine — bien plus forte que n’importe quel mur. Invité à Montréal par le Festival Mural dans le cadre de sa onzième édition, l’artiste de Live Nation se voit ravi de pouvoir, grâce à cette étape de Beyond Walls, par ailleurs la première en Amérique du Nord, s’intéresser à la réputation de la métropole. « Je ne suis pas un grand expert du pays, mais tu le sens quand tu arrives : Montréal est une ville où il y a une diversité absolue. C’est un délire ! Je trouve ça hyper cool de passer par ici », dit-il, le sourire jusqu’aux oreilles. Selon lui, les histoires à raconter sur Montréal sont légion et son discours en revient toujours à la pluralité de la ville. « Montréal est partout reconnue pour sa diversité. Quand on a su qu’on venait ici, on nous a dit : “Vous allez kiffer, tout le monde vit ensemble” », se souvient-il.

Photo: Photo fournie par Saype Vue aérienne du projet «Beyond Walls»

Si Beyond Walls lui demande chaque fois « une chiée de temps de documentation, quasi journalistique », Guillaume Legros s’en nourrit afin de se faire une meilleure idée de la « big picture » sur place. Mais pas seulement. « Je trouve que ce projet est absolument essentiel. Les gens ne se rendent pas compte à quel point je crois en ce truc », souligne-t-il. Et de poursuivre, sans équivoque : « Nous en sommes à un moment hyper critique de l’humanité. On est huit milliards de personnes sur Terre, on est en train de dégommer la planète et ses ressources. » D’après l’artiste, nos sociétés n’ont plus que deux options pour l’avenir. « Est-ce qu’on va se tirer dessus ou on va être intelligent ? C’est un peu tout le concept de Beyond Walls », souligne-t-il.

Avec soin

« Je trouve ça bizarre de toujours nous dissocier de la nature, c’est hyper ethnocentré. On n’est carrément qu’un », fait remarquer Guillaume Legros lorsqu’on l’interroge sur sa vision du monde. Pour cet amoureux de la nature qui a grandi dans la campagne de Belfort, une commune située en Bourgogne-Franche-Comté, près des frontières suisses et allemandes, son statut d’artiste à l’aura internationale lui confère ainsi un certain devoir. Pour cette raison, celui-ci a développé au fil du temps une peinture écoresponsable faite à partir de charbon extrait de pieds de vigne, « qui est complètement biodégradable et va paradoxalement avoir tendance à fertiliser la terre » ; de craie, « un minéral qui va se sédimenter » ; et de caséine, « une protéine du lait qui agit comme une glu naturelle et qui fait que s’il pleut, ça ne disparaît pas immédiatement ». De fait, les oeuvres de Saype sont visibles entre une semaine et trois mois avant que la nature reprenne ses droits sur l’homme.

« Le fait que ça soit éphémère, ça “événementialise” vachement le truc », précise Guillaume Legros. Le Beyond Walls montréalais vivra donc en fonction de la repousse de l’herbe et de la météo. Et quand la fresque du mont Royal n’existera plus, « il ne restera rien, sauf dans les esprits. Ça aura marqué le lieu ». Puisque l’aventure en Amérique du Nord n’est qu’un début, les mains de Saype se rendront ensuite jusqu’à Cuba et à Miami, puis à New York et en Alabama avant de prendre la direction de la côte ouest, vers Los Angeles et San Francisco.

Le festival Mural, c’est aussi…

Beaucoup de musique, avec le retour des traditionnels Block Parties ! Cette année, ils déménagent dans le Mile-End, à l’angle des rues de Gaspé et Bernard, pour quatre soirées rythmées de hip-hop et de musique électronique. La Jamaïcaine Koffee, autrice-compositrice-interprète de reggae, rappeuse, DJ et guitariste, ouvre le bal des festivités le 9 juin, tandis que le lendemain, le collectif Moonshine fera danser le public sur de l’afrobeat et de l’afrohouse. La semaine suivante, les 16 et 17 juin, Ferg, le « Trap Lord » de Harlem, et le rappeur français Dinos se succéderont sur la Scène Mile-End.

Côté murales, à noter également les oeuvres des artistes internationaux Osgemeos, Isaac Cordal, Cleon Peterson, Lauren YS, Egle Zvirblyte et Tima, mais aussi celles de la Montréalaise Kezna Dalz et des Torontois Alex Bacon et Shalak Attack aux alentours du boulevard Saint-Laurent.

Festival Mural

Du 8 au 18 juin à Montréal, sur le boulevard Saint-Laurent, piéton entre la rue Sherbrooke et l’avenue du Mont-Royal



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