La France redécouvre Riopelle

En 1959, le photographe Loomis Dean, du magazine « Life », a pris cette photo de Jean Paul Riopelle appuyé sur une Bugatti Type 57.
Photo: Alpha Presse / Loomis Dean / Time Pix En 1959, le photographe Loomis Dean, du magazine « Life », a pris cette photo de Jean Paul Riopelle appuyé sur une Bugatti Type 57.

S’il y a un peintre québécois qui a laissé une trace en France, c’est bien Jean Paul Riopelle. Certains se souviendront du choc éprouvé dans les années 1980 par celui qui visitait la collection permanente de Beaubourg et découvrait qu’elle s’ouvrait sur une œuvre monumentale du peintre québécois. À l’occasion du centenaire de sa naissance, il était donc normal que la France mette les petits plats dans les grands. Non seulement Riopelle a-t-il passé la moitié de sa vie en France, mais c’est là qu’il réalisa l’essentiel de son œuvre.

Après la vaste programmation québécoise, qui mobilise plusieurs musées et institutions, la France ne sera donc pas en reste. Mardi, au Centre culturel canadien à Paris, la Fondation Riopelle dévoilait le contenu de cette année commémorative. « C’est en quelque sorte un retour aux sources, disait Manon Gauthier, présidente de ladite fondation, puisque c’est ici que Riopelle est arrivé à la fin des années 1940 et qu’il a connu la gloire. »

L’année sera inaugurée à Saint-Paul de Vence, dans le sud de la France, où la Fondation Maeght présentera l’exposition Parfum d’atelier. C’est la propre fille de l’artiste, Yseult Riopelle, autrice d’un catalogue raisonné répertoriant 7 000 œuvres de son père, qui en est la commissaire invitée. Du 1er juillet au 12 novembre, on découvrira plus de 180 œuvres, des plus connues aux plus inédites. Dans un parcours qui suivra le fil des divers ateliers du peintre sur les deux continents, le visiteur pourra admirer en plus des toiles, des bronzes, des céramiques, des porcelaines, des tapisseries et même divers objets, comme des « jeux de ficelles » ou des lunettes inuites fabriquées par l’artiste.

« Les gens connaissent les grandes séries de toiles, mais jamais on n’aura montré son œuvre avec une telle ampleur », dit Yseult Riopelle. Le clou de cette exposition sera constitué des décors que Jean Paul Riopelle avait imaginés en 1967 pour un ballet de Merce Cunningham. Jamais réalisés, ils seront montés pour la première fois et ils serviront à la pièce Passage du danseur et chorégraphe français Noé Soulier.

Depuis 1947 et l’exposition internationale des surréalistes, Jean Paul Riopelle avait entretenu une relation très étroite avec la famille Maeght, qui dirige la plus grande fondation privée française d’art contemporain. Une fondation qui inspira l’artiste au moment de créer la sienne. Aimé Maeght était notamment un ami personnel de Riopelle avec qui il partageait non seulement la passion de l’art, mais aussi celles de la chasse et des vieilles voitures.

Au Centre Pompidou

À l’automne, c’est au Centre Georges Pompidou que culminera cette année Riopelle en France. Le Musée national d’art moderne proposera dès novembre une exposition-hommage permettant d’admirer les sept œuvres majeures qu’il possède, dont Chevreuse (1954), La mi-été chez Georges (1973), Mitchikanabikong (1975), et plusieurs œuvres sur papier. S’y ajouteront de nombreux emprunts à d’autres collections. L’exposition devrait permettre de faire découvrir la production plus récente de Riopelle à un public surtout familier avec ses premières œuvres.

La dernière exposition Riopelle au Centre Pompidou date de 1981. « Nous voulons replacer cette figure majeure de l’abstraction gestuelle dans l’histoire de la peinture d’après-guerre, dit Xavier Rey, directeur du Centre Pompidou. Et il n’y a pas plus belle histoire pour parler de cette époque que celle de cet artiste canadien venu s’installer en France. »

Photo: Archives Tramdesign Jean Paul Riopelle

Associée à cette année Riopelle, la chaîne francophone TV5 Monde déploiera une programmation spéciale. Dans le cadre de l’émission 400 millions de critiques, elle produira trois émissions d’une heure consacrées à Jean Paul Riopelle sur les lieux de la Fondation Maeght. Sa plateforme Internet proposera la série Riopelle en courts comprenant cinq courts métrages réalisés par de jeunes cinéastes québécois et récemment présentés au Festival international du film sur l’art.

Pour Philippe Piguet, critique d’art et ami personnel de Riopelle, cette année Riopelle permettra de « redécouvrir une œuvre forte et un artiste majeur, certes connu en France, mais dont les jeunes artistes ne prennent pas toujours la mesure ». Piguet a eu la chance de visiter Riopelle dans son atelier de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson dans les Laurentides. « C’était à chaque fois une fête », dit-il.

Riopelle offre un exemple unique pour les artistes d’aujourd’hui, ajoute Xavier Rey. « Beaucoup s’intéressent à cet interstice entre abstraction et figuration. Justement, parce qu’il n’a jamais voulu choisir, Riopelle a tracé sa propre voie. Il disait simplement : je peins ce que je vois. »

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