«Ceci n’est qu’une fantaisie»: première expo de Chiguer art contemporain au Belgo

Pour sa première exposition à Montréal, Abdelilah Chiguer souhaite mettre en avant « des artistes de Québec et de Mon­t­réal qui ont eu une carrière incroyable, mais qui passent peut-être sous nos radars depuis quelques années ».
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Pour sa première exposition à Montréal, Abdelilah Chiguer souhaite mettre en avant « des artistes de Québec et de Mon­t­réal qui ont eu une carrière incroyable, mais qui passent peut-être sous nos radars depuis quelques années ».

Alliant BGL, Pierre Ayot, Cozic et Gilles Mihalcean, entre autres grosses pointures, la toute première exposition de Chiguer art contemporain au Belgo évoque en effet la fantaisie. Haute en couleur et parfois même franchement drôle, elle marque aussi la réalisation d’un fantasme, celui d’Abdelilah Chiguer, qui rêvait depuis des années d’ouvrir son propre espace permanent à Montréal.

Celui qui donne son nom à la galerie en est peut-être à sa première adresse montréalaise, mais il est déjà bien connu du milieu québécois de l’art actuel. Cofondateur de la Galerie 3 à Québec en 2015, il a également renommé sa galerie de la capitale, après que Norbert Langlois, l’un des trois cofondateurs avec Pascal Champoux, décédé en 2017, eut vendu ses parts à M. Chiguer à la fin de 2022.

« Je voulais que notre première exposition au Belgo mette en avant des artistes de Québec et de Montréal qui ont eu une carrière incroyable, mais qui passent peut-être sous nos radars depuis quelques années », explique le galeriste. Il fait surtout référence ici à Cozic et à Pierre Ayot, des « coups de coeur » qui ont fait l’objet d’expositions muséales dans les dernières années, mais qui n’étaient plus représentés par des galeries depuis la fermeture définitive de la galerie Graff en 2017.

Artistes émergents

L’ouverture de sa nouvelle enseigne montréalaise marque du même coup un changement de stratégie pour M. Chiguer, tourné vers l’avenir. Coprésident de l’Association des galeries d’art contemporain (AGAC), il a fondé, en 2021, Artroduction, une galerie virtuelle et une plateforme de lancement pour de jeunes artistes d’ici. Ayant désormais plus d’espace pour exposer la vingtaine d’artistes qu’il représente — dont François Morelli, Paryse Martin, Laurent Craste et Martin Bureau —, il consacrera de façon permanente, dès ce printemps, la moitié de sa galerie de Québec à des expositions d’artistes émergents sous la bannière d’Artroduction.

« Il y a un équilibre à faire entre notre positionnement comme galerie [commerciale] et la vitrine qu’on veut donner à la relève, soutient M. Chiguer. C’est quand même intéressant pour les jeunes d’avoir un lieu où ils peuvent se faire connaître à l’extérieur de Montréal » Il précise toutefois que ce sont surtout « des artistes en milieu ou en fin de carrière » que l’on risque de voir au Belgo. En mai, Chiguer art contemporain consacrera une exposition à Dan Brault, suivi d’Annie Baillargeon en juin, de Laurent Craste en septembre et de Claudie Gagnon en octobre.

Le galeriste ne cache d’ailleurs pas les grandes ambitions qui l’ont motivé à s’installer à Montréal, après avoir organisé plusieurs expositions éphémères dans la métropole. « Environ 50 % du chiffre d’affaires de notre galerie provient de l’extérieur de Québec, dit-il. C’est essentiellement à Montréal que ça se passe dans le marché de l’art actuel au Québec, d’autant plus qu’on peut [désormais] atteindre plus facilement des marchés intéressants comme celui d’Ottawa. » En 2024, M. Chiguer aimerait même amener ses artistes au-delà des frontières canadiennes, et il vise les prestigieuses foires de New York ou de Miami. Il devrait en outre réaliser près d’une dizaine d’expositions par année.

Afficher ses couleurs

Lorsqu’on entre pour la première fois dans la nouvelle galerie, on reconnaît tout de suite les touches personnelles que M. Chiguer a voulu apporter à l’entreprise depuis qu’il en a pris les rênes en solo. À commencer par les portes roses du petit local niché au 4e étage. « Ça demeure un espace de type white cube, donc assez classique, mais j’ai toujours été coloré, alors j’ai voulu que ça se reflète ici aussi. »

Lors du vernissage auquel Le Devoir a assisté jeudi dernier, du thé était notamment servi, sur des airs de musique marocaine. Né au Maroc et établi au Québec depuis une vingtaine d’années, M. Chiguer souhaite que son travail reflète la fierté que lui inspirent ses deux cultures. Au quotidien, ce sont, dit-il, son « amour des artistes » et sa « maladie du collectionneur » qui le motivent. C’est d’ailleurs en commençant à collectionner de l’art alors qu’il était directeur de l’approvisionnement pour des entreprises de Québec qu’il a voulu devenir galeriste.

L’exposition fait même subtilement écho à son parcours depuis 2015. À un mur sont accrochées des photographies représentant une performance de BGL où le collectif a organisé un barbecue public, dans une rue de Londres, en se servant d’une bouche d’égout comme d’un gril. « C’est symbolique pour moi de présenter cette oeuvre qui faisait partie de la première exposition de la Galerie 3. Puis, on a ajouté d’autres pièces inédites, mais elles demeurent toujours très drôles. »

Aussi au menu, autant de peintures que d’installations ou de sculptures, réalisées par quatorze artistes au total. « Toute cette variété, c’est assez unique pour une galerie au Belgo », précise M. Chiguer, fier de sa première exposition montréalaise et optimiste pour la suite des choses.

Ceci n’est qu’une fantaisie

L’exposition est présentée à Chiguer art contemporain, à l’édifice Belgo, à Montréal, jusqu’au dimanche 23 avril.

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