Laurier Lacroix: l’atelier dans l’oeuvre

Un atelier d’artiste revêtira toujours une couche de mystère. Même pour un historien de l’art expérimenté comme Laurier Lacroix. Pour l’exposition qu’il a conçue pour le Musée d’art de Joliette (MAJ), il n’a pas cherché à élucider un « phénomène de transmutation, [qui fait] qu’un bout de bois devient œuvre d’art », mission apte, dit-il, à d’autres professionnels. En réunissant 70 œuvres, des peintures et des photographies essentiellement, il s’attarde plutôt aux types d’atelier et aux fonctions qu’il peut prendre. Les artistes n’y font pas que transformer le bois en art.
« Je voulais faire une histoire de l’art du Québec jamais écrite », dit le professeur émérite de l’UQAM, rencontré dans un café montréalais dans les derniers jours de 2022. Il en écrira un livre à l’issue encore inconnue. L’exposition L’atelier comme création. Histoires des ateliers d’artistes au Québec n’est qu’un pas de côté de ce vaste projet. « Un petit iceberg parallèle », propose Laurier Lacroix pour illustrer l’ampleur d’un sujet couvrant deux siècles.
« Il y a plusieurs activités qui entourent le geste de créer, enchaîne-t-il. L’atelier, c’est là où ça se concrétise. Ce qui m’intéresse, ce sont les fonctions périphériques, ce qui a trait à l’accumulation, à la cueillette de matériaux, à la transmission. La présence d’assistants. L’exposition pour des amis. Les ateliers ouverts. L’administration d’une carrière. Je documente tout ça à travers l’histoire. »
Au MAJ, l’atelier sera le sujet des œuvres, représenté de mille manières, et même plus. Avec les années, « l’atelier devient œuvre », précise le lauréat d’un Prix du Québec (en 2008), et il devient difficile de dissocier l’un de l’autre. C’est le cas chez Irene F. Whittome (série Room 901, 1980-1982) ou chez Massimo Guerrera (Darboral, 2000-2005).
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Spécialiste de la peinture historique (notamment d’Ozias Leduc et de Suzor-Coté), Laurier Lacroix était bien placé pour retrouver des exemples emblématiques de la fin du XIXe siècle. Autoportrait dans l’atelier (vers 1849), de Théophile Hamel, est l’un d’eux : « [Hamel] réclame quelque chose à travers cette représentation de l’artiste en train de se peindre. »
Ce qui réunit les époques, c’est « la mobilité des artistes et la difficulté à se trouver un atelier ». L’enjeu n’est pas propre au XXIe siècle. « On dirait qu’il y a toujours eu plus d’artistes que de lieux pour les recevoir », dit le commissaire indépendant. Mais il y aura toujours des artistes. Et leur débrouillardise légendaire se manifeste dans la typologie d’ateliers que Laurier Lacroix décline, allant de la table de cuisine aux endroits spécialement conçus pour la création. À constater en février.