Marisa Portolese: déterrer un quartier

Marisa Portolese vise non seulement à reconstruire, en images, ce Goose Village (ou Village-aux-Oies), elle veut aussi raconter son histoire. Le premier volet, sous forme d’exposition, met en scène son père.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Marisa Portolese vise non seulement à reconstruire, en images, ce Goose Village (ou Village-aux-Oies), elle veut aussi raconter son histoire. Le premier volet, sous forme d’exposition, met en scène son père.

« Mon but est de reconstruire le village au complet », confie la photographe Marisa Portolese. Dans son atelier de Rosemont, qu’elle a tenu à montrer avant l’entretien, se répand son projet au long cours Goose Village. Sur les murs et les tables : photos, les siennes, oui, mais aussi celles des archives de la Ville de Montréal, ainsi que des plans et des coupures de presse.

Le village est en réalité un quartier du sud-ouest montréalais, dans Pointe-Saint-Charles, disparu en 1964. Marisa Portolese vise non seulement à reconstruire, en images, ce Goose Village (ou Village-aux-Oies), elle veut aussi raconter son histoire. Le premier volet, sous forme d’exposition au centre Occurrence, sera le plus familial de tout le projet. Il met en scène le père de l’artiste, alors que la suite inclura des protagonistes retracés via les réseaux sociaux.

« En 1953, mon père a quitté un village en Italie [pour aboutir] dans un autre, où il avait Montréal et le Farine Five Roses comme vue, raconte Marisa Portolese. Il est très attaché au Goose Village. Sa première maison, sa première expérience. »

Il y a 20 ans, la série de portraits Belle de jour (2002) révélait la photographie intimiste et féministe de Marisa Portolese. Depuis, Belle de jour II (2014), Belle de jour III (2016) et d’autres ensembles réalisés en studio l’ont confirmée comme la photographe d’une féminité digne, affirmée, diversifiée. Ce qu’elle dévoile en janvier rompt avec cette lignée.

Au tournant du millénaire, l’artiste a déjà en tête de déterrer le quartier disparu, habité tour à tour par des populations arrivées d’Irlande, d’Europe de l’Est puis d’Italie. Née après son démantèlement, elle ne le connaît que par ce qu’en racontent ses parents. Faute d’autres références et de données précises, elle met son idée de côté.

« Je finissais ma maîtrise, personne n’avait écrit dessus, je n’avais pas accès aux archives municipales. C’était trop difficile pour débuter », résume-t-elle. Une exposition au défunt Centre d’histoire de Montréal (Quartiers disparus, 2011-2013) et un livre de Catherine Charlebois et Paul-André Linteau paru en aval raniment sa quête initiale.

Depuis 2019, Marisa Portolese s’est lancée dans ce qui est son premier projet documentaire. La vue d’un triste stationnement ne l’a pas découragée. « J’ai pris le temps pour réfléchir à la manière de mettre ma voix. C’est venu avec le terrain vague, les plantes, les fleurs. C’est venu avec les archives, quand j’ai vu les papiers peints des appartements. » Dans son Goose Village, assure-t-elle, on retrouvera son univers richement décoré.

 

Goose Village

De Marisa Portolese. À Occurrence, espace d’art et d’essai contemporains, 5455, avenue de Gaspé, du 20 janvier au 11 mars.



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