Zoë Tousignant et l’éthique photo

La conservatrice Zoë Tousignant poursuit son travail de fond sur la photographie au Québec avec une présentation du projet «Disraeli», réalisé en 1972 par le Groupe d’action photographique (GAP).
Photo: Adil Boukind Le Devoir La conservatrice Zoë Tousignant poursuit son travail de fond sur la photographie au Québec avec une présentation du projet «Disraeli», réalisé en 1972 par le Groupe d’action photographique (GAP).

En 2018, au Musée McCord, elle avait commissarié la passionnante expo de Gabor Szilasi Le monde de l’art à Montréal (1960-1980). La conservatrice Zoë Tousignant poursuit son travail de fond sur la photographie au Québec avec une présentation du projet Disraeli, réalisé en 1972 par le Groupe d’action photographique (GAP). Pour ce faire, elle a effectué une recherche considérable sur cette imposante oeuvre réalisée durant deux mois dans cette petite ville de l’Estrie.

Claire Beaugrand-Champagne, Michel Campeau, Roger Charbonneau, Cedric Pearson et même Gabor Szilasi, qui est passé les voir, firent partie de l’aventure, accompagnés de deux recherchistes, Maryse Pellerin et Ginette Laurin. « Celles-ci ont réalisé avec les citoyens des entrevues qui devaient permettre d’élaborer une publication, où se rencontreraient texte et image, ainsi qu’un montage vidéo, avec des photos et une bande audio. »

Ces deux projets ne furent finalement pas montés et « on a cru les enregistrements audio perdus ». Mais Tousignant eut la bonne idée de questionner Cedric Pearson. « Dans le sous-sol chez sa mère se trouvaient 11 cassettes de 90 minutes chacune dans lesquelles on entend les photographes travailler et échanger avec les citoyens durant 15 heures… »

Pour cette expo, Tousignant a réalisé un montage visuel des planches contacts accompagné d’un extrait de 17 minutes des bandes sonores, « afin d’ajouter les voix des gens de cette ville à ce projet dont seules des images furent publiées en 1974 ».

Un trauma collectif

 

Ce projet, réalisé il y a 50 ans, « permet de réfléchir aux enjeux de l’éthique de la représentation en photographie ». Il faut dire que certains prétendirent que les Disraelois avaient été exploités par les artistes… Les réactions dans les journaux locaux en Estrie furent vives. Henri Barras, Pierre Dessureault et Pierre Vallières ajoutèrent leurs voix dans Le Devoir et La Presse.

Tousignant a organisé tous les documents en ordre chronologique afin de suivre le développement de la polémique. « Vallières en fit une lecture sur la lutte des classes en région. Mais après l’exposition des photos à la Cinémathèque québécoise, il écrivit un deuxième texte sur la responsabilité de l’artiste devant représenter la réalité coûte que coûte… Et c’est là que le débat s’enflamma. Cela devint un trauma collectif. »

Ce sera un des grands événements de la rentrée, qui comptera 50 % d’images inédites.

Disreali revisité

Au Musée McCord, du 28 octobre au 19 février.

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