Balade de nuit au cœur de l’âme huronne-wendate

Le studio québécois Moment Factory a trempé ses pinceaux de lumière dans la culture huronne-wendate pour peindre une majestueuse fresque à l’honneur de cette Première Nation. La promenade de nuit Onhwa’Lumina, présentée au boisé Saint-Rémy près de Wendake, sort ce riche héritage autochtone de l’ombre pour le faire, enfin, briller de mille feux.
Fruit de deux ans de travail réalisé en étroite collaboration avec la communauté de Wendake, le spectacle invite à la découverte par l’émerveillement. Au fil d’un parcours réparti en sept tableaux, les projections dessinées par le studio à la réputation internationale donnent à voir les traditions, la cosmogonie et la spiritualité huronnes-wendates. La promenade, longue d’un peu plus d’un kilomètre, serpente au coeur de la forêt et demande environ une heure à parcourir.
La visite commence à la tombée du jour. Sous les étoiles et la lune, le boisé prend vie, illuminé par la mise en majesté imaginée par Moment Factory. Les arbres deviennent cathédrales, immenses et éclairées comme à la lueur de vitraux. Tout un décor sonore, réfléchi jusqu’à l’infime, laisse entendre le hibou qui hulule, la branche qui craque, le tambour qui retentit ou des voix qui résonnent. La forêt devient un écrin de merveilles et de mystères : c’est dans cette atmosphère que le promeneur part à la découverte de la culture méconnue et millénaire des Hurons-Wendats.

« C’était vraiment ça l’ambition première, explique Marie Belzil, directrice de conception chez Moment Factory. Nous voulions piquer la curiosité des gens avec l’émotion, avec le sensoriel et faire découvrir le monde wendat par la poésie. »
Les tableaux effleurent notamment la philosophie du cercle, socle de la spiritualité huronne-wendate où chaque élément, dans l’univers, contribue à l’ensemble. Un peu plus loin, le mythe de la création du monde prend vie sur une paroi rocheuse. Puis la silhouette d’une maison longue invite les spectateurs dans l’intimité domestique. Une berceuse wendate se fait entendre, une conversation entre deux familles aussi, avant que les animaux emblématiques des différents clans qui ont peuplé Wendake surgissent du boisé.
Les scènes, esquissées par petites touches de lumière animées, forment autant de tableaux impressionnistes dans lesquels le promeneur se déplace à son rythme. Le spectacle laisse planer ses énigmes : Onhwa’Lumina, rien n’est expliqué, tout est ressenti. La volonté à l’origine de l’initiative, souligne Steeve Wadohandik Gros-Louis, président de l’Office de tourisme de Wendake, ce n’est pas d’offrir un cours. « Nous voulions laisser au spectateur l’occasion d’ouvrir grand les yeux et le coeur pour accueillir notre culture, indique l’initiateur du projet. Nous voulions en dire, mais juste assez. »
Un livret électronique demeure disponible en ligne pour explorer plus en profondeur la symbolique déployée dans chaque tableau.

Espoir de relance
Wendake espère qu’Onhwa’— qui signifie « maintenant » en wendat — apportera un baume sur son économie amochée par deux ans de pandémie. « L’hôtel-musée a flotté », illustre le grand chef Rémy Vincent à propos du somptueux complexe devenu l’emblème du village. Wendake a su éviter le naufrage, mais la tempête COVID-19 a laissé des séquelles.
« Sans touristes, sans croisiéristes, ç’a été extrêmement difficile, poursuit le grand chef huron-wendat. Nos commerçants ont mangé une sacrée claque. On a eu de la misère. »
Onhwa’Lumina, croit M. Vincent, a le potentiel d’attirer entre 110 000 et 150 000 personnes par année aux abords de Wendake. Une manne salutaire et disponible été comme hiver, puisque le parcours fera relâche uniquement à l’automne, d’octobre à décembre, et en mai, soit au moment où le sentier devient moins praticable.
Wendake s’engage pour au moins six ans dans l’aventure. « Nous allons voir comment ça évolue. Si le parcours demeure populaire, nous pouvons prolonger pendant 10 ans », maintient le grand chef Vincent. À terme, Wendake compte engranger 3,5 millions de dollars en retombées économiques. La grande région de Québec, elle, saura en retirer 11,5 millions supplémentaires, selon les estimations.

De fierté et d’amitié
La première retombée d’Onhwa’Lumina, pour Wendake, est la fierté. La réalisation de ce spectacle-événement a mis à contribution l’ensemble de la communauté : des citoyens du village incarnent les ombres qui animent les tableaux, ce sont aussi des artistes locaux qui entonnent les chants qui ponctuent le parcours. La promenade génère l’enchantement, mais aussi 173 emplois pour la communauté.
Le début de l’exposition enseigne que la langue wendate a prévu un mot pour désigner l’endroit « où l’âme et le coeur se rencontrent ». Ce carrefour se situait assurément dans le boisé Saint-Rémy, mardi, lors de l’inauguration d’Onhwa’Lumina. L’improbable rendez-vous entre la technologie de Moment Factory et le récit ancestral de la nation Wendate a créé une amitié et un respect palpable entre les deux univers.
« C’est vraiment un honneur de pouvoir participer à la transmission de cette culture, affirme Jonathan St-Onge, directeur général des expériences signature au sein du studio montréalais. Ce projet-là occupe vraiment une place très particulière pour nous. »