Dans l’intimité de Marion Wagschal

L’amoureux des arts visuels Joe Battat, qui a fermé en 2017 la respectée galerie Battat après dix ans d’activités, est derrière un nouveau lieu de diffusion, le 99 Chabanel, là où ont migré plusieurs ateliers d’artistes. Depuis cet automne, l’espace Joe Project propose une programmation gouvernée par la passion et qui préfère les collaborations ponctuelles à la représentation d’artistes. Sont de retour des figures chéries par le passé, comme en ce moment Marion Wagschal dans une exposition marquante.
Piece Work aligne plusieurs dizaines d’œuvres sur papier puisées dans l’atelier de l’artiste, du travail couvrant les années 1950 à maintenant. La production de celle qui est née en 1943 à Port-d’Espagne (Trinité-et-Tobago) y est révélée dans ses phases les plus exploratoires, entremêlant études, esquisses, photos et tests de matière, sans égard à la chronologie. Les moindres traces, souvent sur les pages négligemment arrachées de cahiers, sont révélatrices du regard sensible de l’artiste, connue pour ses portraits où prédominent l’empathie et la sensualité.
En prime, quelques toiles, majestueuses, rappellent la part dite aboutie dont on comprend qu’elle ne serait rien sans les expérimentations d’atelier. Dans Bathers (1993), le trait frémissant de Marion Wagschal révèle dans leur vulnérabilité les corps nus d’un couple dans un environnement aqueux composé d’infinies nuances, un remarquable morceau de peinture. Affirmant des qualités tactiles, le tableau refuse de fixer dans un beau idéalisé les figures, stimulant plutôt un regard attentif et bienveillant.