Martin Faucher et l’irrépressible besoin de programmer

Marie-Hélène Alarie Collaboration spéciale
Pour Martin Faucher, l’annulation du 14e FTA, où les gens se rassemblent normalement pendant une quinzaine de jours, a été «une perte de repères hallucinante».
Photo: Ina Fassbender Agence France-Presse Pour Martin Faucher, l’annulation du 14e FTA, où les gens se rassemblent normalement pendant une quinzaine de jours, a été «une perte de repères hallucinante».

Ce texte fait partie du cahier spécial Théâtre

En mars dernier, tout était en place pour la 14e édition du Festival TransAmériques. Et tout a été annulé... Qu’en sera-t-il de la 15e édition ?

Au bout du fil, c’est un Martin Faucher ému qui se remémore l’espèce de psychodrame qui s’est déroulé au printemps 2020. À la mi-mars, le directeur artistique du Festival TransAmériques (FTA) était en Allemagne comme de nombreux autres diffuseurs internationaux pour assister à la présentation de spectacles de danse : « Déjà, on entendait parler de la COVID et de vols internationaux annulés les uns après les autres. Quand je suis rentré à Montréal et que le confinement est arrivé, on a quand même choisi de faire un dévoilement de programmation, mais au fond, je voyais l’ampleur de ce qui s’en venait et je savais bien que ça n’allait pas être possible… » C’est donc quelques jours plus tard que l’annonce de l’annulation du 14e FTA tombe : « Dans un premier temps, on a annulé les présentations internationales et deux semaines plus tard c’était au tour des présentations nationales », rappelle Martin Faucher.

Ressentant le besoin de concrétiser l’édition 2020 du FTA, Martin Faucher se met à rédiger des carnets. Ces écrits impressionnistes parlent des 22 spectacles qui n’auront pas lieu : « Je souhaitais rendre hommage à tous les artistes qui devaient en faire partie pour rendre visible leur travail et ce qu’il avait suscité en moi », lance le directeur, pour qui il était important de témoigner.

Martin Faucher l’avait pressenti dans son mot de présentation du programme : « 2020 serait le début d’une décennie cruciale pour l’histoire de l’humanité. J’écrivais ça fin janvier, début février. Quand est arrivée la pandémie, je n’étais même pas surpris. » Pas surpris parce que pour lui, l’accélération des échanges et la vitesse à laquelle l’humanité se déplace, « c’est complètement dément ! » Il ajoute : « Avec le confinement, on a entendu le silence. Soudainement, une nouvelle vie s’ouvrait à nous avec beaucoup de drames, beaucoup de douleur, bien sûr la mort et des situations humaines déchirantes, et en même temps avec un rythme peut-être plus intelligent. »

En avril, après des heures et des heures à cogiter sur ce qui est en train de se passer, le directeur comprend que toute sa vie est basée sur la notion de rassemblement : « D’abord dans une salle de répétition, ensuite sur une scène avec des gens rassemblés dans la salle. Et la quintessence, c’est l’organisation d’un festival où les gens se rassemblent pendant une quinzaine de jours. Et soudainement une perte de repères hallucinante… »

Un geste de responsabilité

 

En septembre dernier, Martin Faucher annonçait son départ de la direction du FTA : « La pandémie m’a obligé à me sortir du côté narcissique de ma dernière édition, ça m’a obligé à aller vers l’urgence et le fondamental », explique-t-il. En septembre, les théâtres ont rouvert pendant quelques semaines permettant enfin la rencontre entre humains et permettant aussi d’envisager l’avenir. C’est dans ce contexte que la programmation 2021 du FTA commence à prendre forme : « Je n’avais pas le droit de ne pas faire une programmation, ça aurait été un geste de démission, un geste d’irrespect envers mes collègues artistes et envers le public. Je devais faire cette programmation sans avoir de certitudes », note Martin Faucher qui a appris avec le temps que « quand on crée de la vie, ça génère de la vie. Quand on met sur pied une programmation, c’est un geste d’écriture ; quand je découvre des spectacles et qu’ensuite je les présente à Montréal soir après soir, pendant deux semaines, j’écris un paysage. Virtuel bien sûr puisque très peu de gens voient tous les spectacles, mais entre le jour un et le dernier jour du festival, il se crée une courbe dramatique. Au mois d’août, j’ai senti qu’il fallait que je crée ce paysage. »

Techniquement, le défi est impressionnant : entre la réouverture des frontières et la quarantaine, entre réinviter les spectacles de l’édition annulée et présenter aussi des créations : « Il faut tenir compte d’un passé récent et du présent et maintenir coûte que coûte une présentation internationale parce qu’il ne faut pas que la présentation nationale soit un repli sur soi. Il faut garder contact avec l’extérieur. »

Actuellement, la programmation de la 15e édition du FTA est terminée à 70 % : « Ce que je sens de la part des artistes, ce n’est pas une volonté d’aborder la fin du monde, mais bien de renouer avec le public et de poursuivre la vie, de remonter sur scène », constate Martin Faucher qui poursuit son travail « avec la satisfaction d’être dans l’action et de faire en sorte que les choses adviennent. Je me donne pour mission que les spectacles existent même s’il advenait qu’ils ne soient pas présentés publiquement ». 

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