Manuel Mathieu arrive au MBAM

Dans l’œuvre de Manuel Mathieu, 33 ans, corps et chairs se mélangent et se disloquent pour restructurer un tout, à la fois organique et minéral, à la fois espérance et décomposition.
Photo: Clovis-Alexandre Desvarieux Dans l’œuvre de Manuel Mathieu, 33 ans, corps et chairs se mélangent et se disloquent pour restructurer un tout, à la fois organique et minéral, à la fois espérance et décomposition.

Manuel Mathieu est fasciné par le jeu de thaumatrope, qui permet, par une illusion d’optique, de fondre deux images en une. C’est notamment ce jeu qui l’a guidé lorsqu’il a peint l’œuvre Rempart, qui fait partie de l’exposition solo « Manuel Mathieu – Survivance », la première qu’il présente dans un musée, qui prend l’affiche au Musée des beaux-arts de Montréal. Dans cette œuvre, comme dans plusieurs autres de l’exposition, corps et chairs se mélangent et se disloquent pour restructurer un tout, à la fois organique et minéral, à la fois espérance et décomposition.

C’est après avoir longuement évalué ses intentions, jusqu’à voir leur impossibilité, que l’artiste dit commencer à peindre.

C’est ainsi qu’il explique notamment la toile Saint-Jak. Cette toile, comme une autre de l’exposition qui s’intitule Rédemption, est inspirée de photos prises lors d’une cérémonie vaudoue Saint-Jacques, en Haïti. Sans avoir assisté à cette cérémonie, sans même être pratiquant du vaudou, Manuel Mathieu, qui a vécu en Haïti jusqu’à l’âge de vingt ans, a été touché par ces images.

La toile Saint-Jak est inspirée de la photo d’un homme traversant la cérémonie avec un cabri sur le dos. Mais sur la toile, où est l’homme ? Où est le cabri ?

Les influences de Manuel Mathieu sont multiples et confondues. Il cite Francis Bacon, qui l’a accompagné autrefois dans sa lecture du corps, mais aussi des peintres haïtiens que sont Jasmin Joseph et Mario Benjamin, le Belge Luc Tuymans ou l’artiste allemand Alfred Otto Wolfgang Schulze.

Même si certaines de ses toiles sont très colorées, inspirées de la nature dans laquelle il a grandi, il ne se considère pas comme un coloriste, et dit aborder la couleur de façon intuitive. Une toile, Amnesia, propose quelques taches de couleur sur fond noir et a été réalisée après un grave accident qui a fait perdre la mémoire à l’artiste pendant une semaine.

Inspirée d’une photo de sa grand-mère, Marie-Solange Apollon, décédée du cancer et que Manuel Mathieu était venu rejoindre à Montréal à 19 ans, Rempart la montre portant son petit-fils dans ses bras. Premier artiste canado-haïtien à intégrer la collection du Musée des beaux-arts de Montréal, Manuel Mathieu a d’ailleurs fait don de l’argent ainsi gagné pour créer le fonds Marie-Solange Apollon, en soutien aux artistes de communautés sous-représentées dans le musée.

L’exposition compte également la première installation en trois dimensions de cette jeune étoile montante de l’art contemporain. Ouroboros se présente sous la forme d’une série de toiles de coton non traité, montées à la verticale et brûlées en leur centre, formant ensemble une sorte de tunnel qui traverse la salle d’exposition. Les béances créées par le feu dans les toiles « évoquent l’absence, mais peuvent aussi faire référence à une délivrance, où l’artiste se joue du paradoxe entre apparition et disparition », lit-on sur le panneau explicatif de l’installation. Dans la mythologie, l’ouroboros est un symbole représentant un serpent qui se mord la queue, « un éternel retour, lit-on encore, qui nous place face à nos incohérences ».

Âgé de 33 ans, Manuel Mathieu connaît un automne très actif. La galerie Power Plant, de Toronto, lui consacre également une exposition solo. On y retrouvera notamment des toiles provenant de son travail sur la dictature haïtienne de François et Jean-Claude Duvalier. Une sélection d’œuvres et de dessins sera présentée à la galerie Hughes Charbonneau. Il participe aussi à l’exposition collective de la fondation PHI pour l’art,« Relations : la diaspora et la peinture », ainsi qu’à l’événement « La machine qui enseignait des airs aux oiseaux », au Musée d’art contemporain.

En attente d’une assemblée générale au MBAM

L’avenir du Musée des beaux-arts de Montréal, après la tempête qui a suivi le congédiement de son ancienne directrice générale Nathalie Bondil cet été, se jouera notamment lors de la prochaine assemblée des membres du Musée, prévue le 29 septembre prochain. Cette assemblée se tiendra exceptionnellement en ligne cette année, en raison de la pandémie de COVID-19. Les membres, inscrits en date du 27 août, seront invités à voter pour le renouvellement du mandat du président du conseil d’administration et directeur du MBAM par intérim, Michel de la Chenelière. Les mandats de Sylvie Demers et de Rémi Quirion sont également à renouveler au sein du conseil d’administration. Le poste de Joe Battat, qui a déjà annoncé publiquement son intention de démissionner, sera également à combler. Par ailleurs, le 28 août dernier, le conseil d’administration a annoncé avoir remis « en échange d’une extrême confidentialité » le rapport interne qui a mené au congédiement de Nathalie Bondil, à l’expert externe chargé par Québec de faire enquête dans ce dossier, Daniel Beaupré. Rappelons que le 5 août dernier, une centaine de membres du MBAM avaient demandé, par voie de lettre au conseil d’administration, que se tienne une assemblée spéciale pour décider du sort de ce conseil d’administration.

Manuel Mathieu: Survivance

Au Musée des beaux-arts de Montréal, jusqu’au 28 mars 2021



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