Maclean met le plastique en boîte

Notre civilisation plastique ne tire peut-être pas encore à sa fin, mais il y en a qui s’évertuent déjà à en préserver des artefacts. L’artiste montréalais Maclean, par exemple. Avec humour et dérision, quand même, il s’est mis en tête de collecter, trier et assembler soigneusement des traces de l’industrie du plastique.
Résilience ou moquerie ? Baume ou flèche ? Peut-être un peu tout ça : les œuvres regroupées sous l’intitulé Arts plastiques affichent cette jolie ambivalence. L’artiste livre ici un constat à la fois lucide et poétique sur notre époque. Sombre et, oui, lumineux.
L’exposition Arts plastiques, énième présence depuis 2005 de Maclean à la galerie bicéphale Bellemare et Lambert, déroute d’emblée, tant elle renouvelle la signature de l’artiste. Plus ludique que jamais, peut-être, mais dotée encore de cette touche qui transforme avec intelligence des objets manufacturés.
Jusqu’ici, l’homme derrière les panneaux « Arrêt » détournés en enseignes « A r t » s’était consacré à une production évocatrice, sinon de l’évasion, du moins de la route et du plein air. Ses nouvelles œuvres respirent davantage l’intériorité et la réalité sédentaire du travail en atelier.
Peintre paysagiste sans en être un, Maclean s’est toujours montré admiratif de la nature, que ce soit par son geste subversif autour de la signalisation routière ou par ses compositions sur toile. Cette fois, le propos environnementaliste ne fait aucun doute.
Accumuler plutôt que jeter
Depuis vingt ans, Maclean accumule du plastique sous diverses formes (rondelles, attaches, sacs), autant des retailles que des morceaux entiers. Plutôt que de se débarrasser de ces objets, ou de s’en servir pour ce pour quoi ils ont été usinés, il les a conservés à des fins créatives. Littéralement conservés : les œuvres Les conserves, Colonne et Pyramid (The Grand Scheme of Things) consistent en des montagnes de pots renfermant des éléments de sa collection plastique.
Cette matière transformée (en usine) et réinterprétée (à l’atelier) comme mille petits ready-mades n’est pas si étrangère à ce qu’a toujours fait l’artiste. L’organisation par couleurs, elle aussi, est un des traits de sa pratique. C’est la quantité d’objets qui étonne ici, leur présence spectaculaire. La poésie de Maclean a toujours été discrète. Colonne, elle, est si haute qu’elle frôle le plafond, si énorme et bancale qu’elle semble condamnée à s’écrouler.
L’abondance traduit sans peine la réalité de notre société de consommation, dont on suppose qu’elle aussi finira par s’effondrer. Les immenses structures, presque fragiles, illustrent le défi d’entreposage, y compris celui de nos déchets, auquel on est confrontés.
Quand le discours écologique teinte les pratiques des artistes, souvent en sculpture et en installation, le résultat produit ce genre d’amalgames spectaculaires de choses détournées de leur fonction utilitaire. Là où Maclean se distingue, c’est dans son approche archéologique. Ses œuvres « en conserve » sont ces artefacts évoqués plus haut.
La série Pain quotidien (2005-2019) va plus loin. Les douze panneaux qui la composent représentent les douze mois d’une année, celle en cours plus précisément. Autrement dit, l’œuvre est un calendrier 2020. Chaque jour est incarné par une de ces attaches en plastique qui viennent avec le pain tranché.
L’œuvre parle d’un processus de création, fait de temps, de patience et d’organisation. Chaque attache porte une date (de caducité). De manière obsessive, l’artiste est arrivé à obtenir les 366 nécessaires à une année bissextile, y compris le « 29FE ». Le détournement est multiple, touche à la matière, transforme la signification d’une date, redonne vie là où il y avait fin. Certes, un calendrier finira par être caduc, mais celui-ci, œuvre d’art, prendra de la valeur.
Espiègle, et pourtant terre à terre, Maclean. Comme l’exprime le jeu de mots en guise de titre de l’expo. Ou comme le font d’autres œuvres, tels le trompe-l’œil proposé par des liasses de billets verts ou alors l’énoncé à double sens de la seule peinture du lot, une acrylique sur toile où on lit, sur fond de phylactère orange, en anglais : « jusqu’à épuisement des stocks ». Peut-on imaginer un monde sans plastique ?