Le Centre Phi plonge dans l’univers de la peinture classique avec «Musée VR»

Dans la pièce intitulée «The Bridge», on plonge dans l’univers de l’artiste contemporain Nikita Shalenny, qui revisite ses propres aquarelles en noir et blanc.
Photo: Centre Phi Dans la pièce intitulée «The Bridge», on plonge dans l’univers de l’artiste contemporain Nikita Shalenny, qui revisite ses propres aquarelles en noir et blanc.

Prenez une toile que vous aimez. Entrez-y. Et imaginez ce qui pourrait s’y passer. C’est l’expérience à laquelle se sont prêtés les artistes réunis dans l’exposition Musée VR, un projet du Festival international du film de Genève, présenté ces jours-ci au Centre Phi de Montréal. On y invite les visiteurs à se coiffer d’un casque de réalité virtuelle pour les accompagner dans ce périple.

Dans la pièce intitulée The Bridge, on plonge dans l’univers de l’artiste contemporain Nikita Shalenny, qui revisite ses propres aquarelles en noir et blanc. Autour de nous, des hommes nus semblent courir sans fin à travers des ponts, des villes et des villages, des forêts désolées, des gisements pétroliers, des océans, des paysages de fin du monde. L’artiste parle d’« un voyage comprimé de 40 000 kilomètres à travers le monde ».

On recule de quelques siècles pour se glisser dans l’univers de Pieter Brueghel l’Ancien et de sa toile Jeux d’enfants. Cette oeuvre, peinte en 1560, représente 200 enfants s’adonnant à 91 jeux différents. Avec Condamnés à jouer, les artistes Andrés Jarach et Gordon nous accompagnent dans la toile. Ils ont enregistré des dialogues entre les enfants, tout en animant les figurines. « Ils nous a mis dans un sacré pétrin l’vieux Brueghel », dit l’un d’entre eux.

Emmanuel Cuenod, directeur artistique du Festival international du film de Genève, a vu dans cette expérience une façon de gagner de nouveaux publics aux expériences de réalité virtuelle, notamment le public rompu à l’art classique et qui visite les musées.

« Ces oeuvres-là sont dans des musées, et les gens passent très rapidement devant elles », dit-il. L’exposition permet à la fois d’entrer dans la peinture et dans l’intention et l’expérience du peintre. « On revoit l’oeuvre dans toute sa singularité », dit-il.

Rencontres

 

La Française Gabrielle Lissot est quant à elle partie à la rencontre de Suzon, employée des Folies Bergère, qui fut modèle pour la toile de Manet, Un bar aux Folies Bergère, peinte en 1880. Le spectateur se trouve aux premières loges, à la place du client qui observe Suzon. Grâce au processus immersif, le spectateur tourne la tête et se trouve aux loges du spectacle en cours, avec effets sonores à l’appui.

Pour la petite histoire, mentionnons que cette mystérieuse Suzon, modèle de Manet, a réellement été employée du café-concert des Folies Bergère. Par contre, toute la scène a été recréée et peinte dans l’atelier de Manet. Le tableau en inspire plus d’un, puisqu’il a aussi été à la source de la première photographie du Canadien Jeff Wall, Picture for Women. Dans le film réalisé par Gabrielle Lissot, on se glisse tour à tour dans les pensées de Suzon et dans celles du client qu’elle sert, et d’un visiteur de la galerie où elle est exposée.

Photo: Centre Phi Gabrielle Lissot est partie à la rencontre de Suzon, employée des Folies Bergère, qui fut modèle pour la toile de Manet «Un bar aux Folies Bergère», peinte en 1880.

La pièce Hors cadre : Intimités de Félix Vallotton, signée Martin Charrière, anime quant à elle une succession de gravures sur bois de Félix Vallotton, réalisées en 1898. Cette série de dix gravures met en scène la vie amoureuse de la pianiste Misia Sert, muse et amante de Vallotton, et se décline sur le thème de « l’adultère, la tristesse et l’ennui de la vie de couple ». « L’adultère est un toast à la santé de l’absent », disait Vallotton.

Dans l’oeuvre de Charrière, la trame sonore emprunte les lettres de Misia Sert, prend sa voix et s’adresse directement à Vallotton. Ces gravures seront réalisées à 30 exemplaires. Les originaux seront détruits alors que Vallotton s’apprête à se marier, raconte Charrière.

C’est aussi Charrière qui signe Hors Cadre : L’île des morts, d’après une série de cinq tableaux du symboliste suisse Arnold Böcklin, peints entre 1880 et 1886. Cette série de toiles présente une île, vers laquelle se dirige un bateau, où se trouvent un passeur et un défunt vêtu d’un linceul. Bocklin travaillait à une première version de l’île des Morts, lorsque Marie Christ-Berna lui commande un tableau « propice à la rêverie ». La dame a perdu son premier mari quelques années plus tôt, et s’apprête à se remarier.

Le tableau peut donc symboliser la fin d’un deuil. C’est d’ailleurs Marie Christ-Berna qui recommanda à Böcklin l’ajout de la barque, du passeur et du linceul. Ces détails demeureront dans toute la série. La voix hors champ du projet de Charrière, celle de Yann Marguet, prend par ailleurs un ton ironique humoristique qui jure au départ avec le tableau, sans pour autant évacuer l’inexorabilité de la mort.

Musée VR

Au Centre Phi, jusqu’au 28 avril, dans le cadre de Cinéma VR.

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