Retour vers le futur

Dans l’installation «D’abord cordial!», le collectif La Famille Plouffe invite à réfléchir à l’histoire des banlieues à travers son histoire plus ancienne.
Photo: Jean-Michael Seminaro Dans l’installation «D’abord cordial!», le collectif La Famille Plouffe invite à réfléchir à l’histoire des banlieues à travers son histoire plus ancienne.

Elle a eu ses décennies de gloire, dans les années d’après-guerre, puis son lot de critiques. De nos jours, la banlieue est devenue synonyme d’étalement urbain, de raréfaction des terres agricoles — les plus fertiles d’entre-elles —, de villes-dortoirs, de mode de vie dépendant de la voiture et donc très polluant… Comment (re)penser cette banlieue ? Comment aussi permettre à l’art contemporain de s’y diffuser plus ?

Photo: Jean-Michael Seminaro Emmanuelle Léonard, «Last Words, GM (The End)» et «Last Cars, GM (The End)», images tirées de la série «General Motors, Sainte-Thérèse (The End)», 2004

Depuis 2015, l’événement Banlieue ! tente d’élaborer des pistes de réponses à ces deux questions. Après avoir pensé aux notions d’ordre et de désordre, cette triennale se tourne cette année vers l’avenir, désignant même la banlieue comme le lieu « où se prépare le futur ». Toute une promesse ? Tout serait donc possible en banlieue ? Pas si simple.

L’exposition souhaite montrer comment la banlieue incarne le mouvement — pas toujours positif — allant souvent vers un monde futur dystopique… Même les flux migratoires y ont leur place… Malgré la qualité indéniable de la sélection des artistes, on ratisse ainsi très large. On y retrouve, par exemple, une oeuvre de Mahmoud Obaidi, un de ses livres d’artiste de la série Compact Home — qui fut présentée à la 15e Biennale d’Istanbul l’an dernier —, oeuvre qui contient des souvenirs et même des fragments de ses déplacements forcés hors d’Irak. Le lien avec la banlieue est loin d’être évident. L’oeuvre de Catherine Bolduc — artiste par ailleurs passionnante — parle de rêves associés à l’enfance et à la maison de vacances qui serait une « sorte de banlieue romanesque »…

Monde tentaculaire

 

Heureusement, bien des oeuvres analysent plus directement la banlieue comme modèle de monde tentaculaire. Le bobo urbain qui est en moi — et qui ne doute pas que la ville est bien meilleure que la banlieue — se réjouira bien sûr de l’installation vidéo Orange County par Henry Tsang. Son oeuvre montre à la fois des maisons des secteurs domiciliaires du Grand Los Angeles et des maisons à proximité de l’aéroport de Beijing, sans que l’on puisse vraiment les différencier. Dans ces deux mondes, les habitations sont des copies les unes des autres, elles-mêmes des fac-similés kitschifiés de résidences stéréotypées espagnoles, françaises et italiennes… Le style banlieue s’est mondialisé.

Photo: Jean-Michael Seminaro Image tirée de l’installation «Orange County», d’Henry Tsange

Les photos d’Emmanuelle Léonard nous montrent comment trop souvent la banlieue a été un lieu de transition pour des compagnies en quête de nouveaux territoires à conquérir. Ses photos de la General Motors, qui a fermé ses portes à Sainte-Thérèse, en sont la preuve.

La banlieue s’est retrouvée en première position pour juger de l’ampleur des ravages de la mondialisation dénoncée par la gauche et que la droite, entre autres états-unienne — qui nous en avait pourtant vanté les mérites —, accable de nos jours alors qu’elle n’y trouve plus assez de profits…

Dans l’installation D’abord cordial !, le collectif La Famille Plouffe nous invite à réfléchir à l’histoire des banlieues à travers son histoire plus ancienne. On y verra, entre autres, un extrait du discours de Jean Lesage en 1961 lors de la fondation de la ville de Chomedey, grâce à la réunion de trois communautés ; celles de Saint-Martin, de L’Abord-à-Plouffe et de Renaud. Chomedey elle-même se trouva amalgamée en 1965 dans le projet de la nouvelle ville de Laval. La Famille Plouffe semble nous dire que la banlieue trouvera son avenir en se remémorant son passé, entre autres celui du village L’Abord-à-Plouffe, « lieu de répit pour les cageux, qui transportaient le bois de l’Outaouais jusqu’à la ville de Québec »…

Nous verrons bien si c’est dans cette direction que se trouve l’avenir, dans ce chemin de l’appropriation et du détournement artistique d’un passé oublié. Une piste à suivre.

Une triennale dont on surveillera l’avenir.

Là où se prépare le futur

La triennale Banlieue ! À la Maison des arts de Laval, jusqu’au 4 novembre

À voir en vidéo