De Visu - Trajets identitaires
En partenariat avec l'équipe de recherche universitaire Le Soi et l'Autre, Double jeu - Identité et culture interroge avec pertinence la notion d'identité culturelle alors que Mimi Parent, Jean Benoît - Surréalistes offre une première grande rétrospective (en duo) de ces artistes encore méconnus du public québécois aujourd'hui. Un double parcours sous le signe de l'autonomie créatrice.
Comment arrive-t-on à définir une certaine identité culturelle nord-américaine? La question peu paraître fort embêtante. Ainsi, les commissaires de l'exposition Double jeu, Jocelyne Lupien et Jean-Philippe Uzel, ont voulu offrir une tentative de réponse en invitant trois artistes contemporains qui s'amusent à détourner les références typiques. À l'entrée de la salle, on découvre avec fascination les artéfacts de ce monde imaginaire qu'invente Richard Purdy. Sur des présentoirs qui imitent le dispositif de musées ethnographiques, de petits objets relatent une série de fictions historiques et anthropologiques. Du bijou à l'instrument de musique, sans oublier les restes d'une écriture énigmatique, cette civilisation chimérique récupère le matériau kitsch d'une culture populaire proprement nord-américaine. D'ailleurs, il faut bien observer pour comprendre que Purdy se plaît, avec une ironie mordante, à mettre au monde les traces de ce non-lieu perdu. Un discours scientifique, presque convaincant, rend la chose encore plus surprenante.Critique radicale
D'origine amérindienne, Ron Noganosh propose un art beaucoup plus explicite dans ses renvois. Utilisant une dérision à saveur populaire, ses boucliers portent les signes d'une critique radicale. Les plumes, la fourrure ainsi que la peau d'animal se mêlent aux canettes de bière et aux enjoliveurs. Ici, les phénomènes de désappropriation comme d'acculturation sont au centre d'une symbolique sans compromis. Il faut toutefois atteindre la dernière partie de la salle pour découvrir l'artiste le plus intéressant de Double jeu. L'Afro-Américain Willie Cole imagine des objets ready-made où le spirituel et le politique se recoupent. Son Wind Mask East (1990), fait de séchoirs à cheveux, ou même ses sculptures, qu'il fabrique à partir de chaussures, cherchent à africaniser certains objets culturels. Le résultat impressionne, surtout lorsqu'il utilise les brûlures du fer à repasser pour relire l'histoire de l'esclavage des Noirs. Un travail percutant.
Beaucoup moins convaincante, l'exposition Mimi Parent, Jean Benoît - Surréalistes lève le voile sur une tout autre époque. Étudiants d'Alfred Pellan à l'École des beaux-arts de Montréal durant les années 40, Parent et Benoît quittent le Québec dès 1948 afin de vivre l'aventure surréaliste auprès d'André Breton, à Paris. Ils s'intégreront plutôt rapidement à la dernière génération d'artistes surréalistes tels Vincent Bounoure et Wolfgang Paalen. Alors que les oeuvres de Jean Benoît partagent une fascination plutôt évidente pour l'érotisme et le macabre, une plus grande naïveté s'empare des tableaux-objets de Mimi Parent.
Il y a quelque chose d'un peu vieillot dans cette conception souvent réductrice et sectaire du surréalisme. Évidemment, avec un certain recul, cette forme de provocation n'a plus le même effet. Toutefois, on se contente de découvrir quelques objets ludiques comme le Masculin-Féminin (1959) de Parent ou les diableries de Benoît. On reste par contre quelque peu sceptique à l'idée que cette rétrospective marque un temps fort, en 2004, au Musée national des beaux-arts du Québec. Bien que la présentation demeure impeccable, le contenu peut paraître redondant à la longue. Aussi, il aurait peut-être été intéressant d'ouvrir cette exposition à d'autres Québécois qui ont vécu de près l'aventure surréaliste, comme Roland Giguère. Malgré ces réticences, Mimi Parent, Jean Benoît - Surréalistes risque de provoquer bien des discussions.