Michel Campeau, le photographe devenu collectionneur

Le Musée McCord survolera dès février le travail de Michel Campeau autour de la photographie analogique. Après sa série La chambre noire (2005-2010), le photographe québécois, qui ne travaille qu’avec les outils numériques, est devenu un collectionneur d’images vernaculaires. Il nous explique ses raisons.
L’exposition Avant le numérique ne réunira que des corpus portés par la photographie analogique. Est-ce par nostalgie que tu te consacres depuis 15 ans à ce thème ?
S’il y a nostalgie, elle est constructive et dynamique, elle me transporte dans le présent. Les images de La chambre noire, je ne les ai pas faites par nostalgie, mais comme une sorte d’état des lieux de la photographie au moment où tout basculait. Aujourd’hui, je collectionne des photographies anciennes. Ne plus photographier, c’est une économie de moyens, mais c’est aussi montrer que la photographie amateur vaut autant que la photographie savante. On y découvre des perles inouïes.
L’exposition Icônes de l’obsolescence (Musée des beaux-arts du Canada, 2013) se penchait déjà sur ce travail. Qu’est-ce qui sera différent ?
Mon travail de collectionneur. Ma principale activité, en tant qu’artiste, c’est de rassembler des collections. C’est un travail d’appropriation, en écho à ma propre vie. Je crée un album de famille multiplié, comme si, soudainement, j’avais trouvé dans les greniers des diapositives de mes oncles, tantes, cousins. Je suis d’ailleurs venu à la photographie dans cet esprit. Dans les années 1970, je collectionnais les albums de famille et les utilisais. [La collection] est un des premiers gestes fondateurs de mon travail.
Tu te préoccupes de photographie analogique, mais tu ne travailles qu’en numérique. Comment cela se fait-il ?
J’ai accès à tout ce matériel because Internet, because les grands marchands comme e-Bay. J’achète essentiellement des diapositives, mais c’est moi qui les numérise. J’assume totalement le travail à l’ordinateur. C’est génial, son cerveau mémorise mieux que moi.
La chambre noire, ton premier projet numérique, occupe-t-elle une place particulière dans l’exposition ?
La brisure s’est faite là, même si après j’ai eu un soubresaut et j’ai photographié, avec un appareil analogique, des chambres noires qu’on démantelait. C’est une série que j’ai développée dans ma cuisine, mais je ne l’ai jamais imprimée. La chambre noire n’occupe pas une place particulière dans l’expo. Mais oui, elle a eu un impact décisif personnel, professionnel. Elle a permis la rencontre [avec le photographe] Martin Parr, rencontre qui a mené à une publication, puis à l’expo à Arles. Il m’a ouvert les portes. Aujourd’hui, j’ai deux agendas, un ici, un en Europe. Ce projet a tout changé.
Le Michel Campeau auteur d’images, c’est fini ?
Non. Les seules photographies que je fais, qu’on a voulu inclure dans l’expo, je les fais avec mon cellulaire. Ça garde intact mon plaisir de faire de la photographie. Il n’est pas dit que je ne referais pas de projets photographiques, j’en ai quelques-uns à l’esprit, mais mes efforts sont tournés vers la collection.
Il est où, exactement, l’artiste chez le collectionneur ?
Dans la reconnaissance. Je travaille comme [on le faisait] avec la planche contact. Des images se présentent à moi et j’essaie de trouver les meilleures. Et celles que j’acquiers sont mes nouvelles images.
Que collectionnes-tu ? Y a-t-il un lien qui motive tes choix ?
Des photographies anciennes, quasi essentiellement en couleur, pour les intégrer à mon roman personnel. Un des projets présentés dans l’exposition, c’est la photographie couleur amateur des années 1950. Actuellement, je travaille sur la photographie dans la photographie, soit des images de gens qui filment, qui photographient, qui projettent des diapositives. C’est un travail sur les gestes et les rituels propres à la photographie analogique. Le lien, c’est l’éloge de la photographie amateur, la reconnaissance de la qualité de ce que l’on retrouve sur e-Bay. Il y a des choses très valables qui sont jetées par les vendeurs. Ce qu’on voit sur les sites de vente en ligne, c’est une infime portion de ce qu’ils ont entre les mains. J’essaie de sauvegarder, de réfléchir [à cette mémoire photographique].
Des incontournables

Alberto Giacometti, Musée national des beaux-arts du Québec, dès le 8 février. Une vaste rétrospective, saluée à Londres, où elle a pris son envol en 2017.
Paysage : faire le jour, Musée d’art de Joliette, dès le 3 février. Une nouvelle installation vidéo de Jacynthe Carrier, plus vaste et plus ancrée dans un parcours dans le temps et l’espace.
Points de départ, points qui lient, DHC/Fondation pour l’art contemporain, dès le 20 avril. Une expo de Bharti Kher (photo DHC/Art), artiste de New Delhi reconnue pour son appropriation du bindi, ce point posé sur le front chez les hindous.
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