Le Reine Élizabeth comme un petit musée d’art contemporain

Sauf pour l’ensemble d’œuvres du 21e étage, la plupart des récentes acquisitions de l'hôtel Le Reine Élizabeth sont éparpillées ici et là, comme celle-ci de Michel de Broin.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Sauf pour l’ensemble d’œuvres du 21e étage, la plupart des récentes acquisitions de l'hôtel Le Reine Élizabeth sont éparpillées ici et là, comme celle-ci de Michel de Broin.

Rouvert cet été après un an de profondes rénovations, l’hôtel Le Reine Élizabeth n’a pas changé que la configuration de ses espaces publics. Il en a profité pour rafraîchir sa collection d’art.

Construit à la fin des années 1950 et désormais exploité par la chaîne Fairmont, Le Reine Élizabeth est la propriété d’Ivanhoé Cambridge, l’aile immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). C’est dans le cadre du Projet Nouveau-Centre, un plan de 1 milliard de dollars destiné à « rehausser l’expérience urbaine au coeur du centre-ville », que le célèbre hôtel a subi sa cure de jeunesse.

Le chantier du Reine Élizabeth a bénéficié d’un budget de 140 millions. De cette somme, un montant (non divulgué) a été réservé à l’acquisition d’oeuvres. Celles-ci — peintures, photographies, estampes, dessins, sculptures, mais aussi oeuvres de design — ont été réparties dans l’ensemble de l’hôtel, avec une forte concentration dans les étages 1 à 3, ainsi qu’au 21e, dans un espace aménagé comme une petite galerie.

« La collection s’inscrit dans l’investissement » de 140 millions, affirme Katherine Roux Groleau, conseillère aux affaires publiques à Ivanhoé Cambridge. « [Par notre collection], on soutient le patrimoine culturel et [cet investissement] s’imbrique dans la logique de transformation de l’hôtel. On en a profité pour repenser l’art et la relation des usagers avec les oeuvres. »

Le luxueux bâtiment du boulevard René-Lévesque avait déjà ses Jean-Paul Riopelle et Jean McEwen. Il a désormais ses Geneviève Cadieux, Mathieu Beauséjour, Patrick Coutu, Michel de Broin, parmi d’autres.

Le nouveau restaurant a hérité de la seule oeuvre commandée, et créée pour l’occasion. Travail en multiples panneaux, à la fois brumeux et lumineux et alternant tons chauds et froids, la peinture Drift Glow du Montréalais Paul Hardy occupe deux murs en angle.

Les oeuvres acquises dans le cadre de cette opération de rajeunissement — 123 au total — ont été choisies par un comité d’experts, formé notamment de Marie-Justine Snyder, conservatrice de la collection CDPQ, et d’Arthur Gaillard, de MASSIVart, agence de direction artistique.

Le comité a eu carte blanche pour choisir parmi le travail d’artistes vivants, tout en étant redevable des contraintes propres à l’intégration de l’art à une architecture. S’ils ont conservé quelques pièces, comme les Riopelle et les McEwen, mais aussi des vitraux de Marius Plamondon, c’est pour « jeter des ponts entre l’ancienne collection et la nouvelle collection », selon Arthur Gaillard, qui a dirigé la visite exclusive dont Le Devoir a bénéficié mardi.

Pour toujours

 

Mises en place depuis plusieurs semaines, les oeuvres sont accessibles à tous les visiteurs, pas seulement aux clients de l’hôtel. Deux exceptions : la Suite royale, au 19e étage, et la Suite John Lennon et Yoko Ono, au 17e, chacune réaménagée à grand renfort d’objets décoratifs et d’oeuvres.

Les oeuvres resteront sur place « une vingtaine d’années », a d’abord indiqué Arthur Gaillard, avant de se corriger : « Elles sont là pour toujours. Il n’y a pas de fin. »

Chaque oeuvre est accompagnée d’un petit écriteau. Le travail du comité aura été aussi de veiller à l’emplacement des oeuvres et à leur vulgarisation. Un catalogue numérique a été conçu, ainsi qu’un dépliant, en papier, disponible pour qui voudra découvrir la collection.

Sauf pour l’ensemble d’oeuvres du 21e étage, la plupart des récentes acquisitions sont éparpillées ici et là. Un bronze de Patrick Coutu se trouve au pied d’un escalier. Une photographie numérique de Barbara Steinman accueille les visiteurs à l’entrée du restaurant, rue Mansfield. Le travail de Jessica Eaton, de la photographie analogique, lui, côtoie les nouveaux espaces réservés aux gens d’affaires, baptisés Co-Lab.

Cet étage, les architectes l’ont voulu à la fois rétro et futuriste, selon Arthur Gaillard. L’image de Jessica Eaton, une composition de cercles de couleur sur fond noir intitulée Transition CO3 (2016), en est un clin d’oeil, par son mariage d’une technique révolue et d’inventivité.

« La technique est rétro, parce que c’est analogue, dit Marie-Justine Snyder. Ce n’est pas du tout du Photoshop. Elle photographie des négatifs, il n’y a rien d’informatique. »

« Pour l’anecdote, la galerie [Antoine Ertaskiran, qui représente Eaton] a été contactée par des gens qui sont venus à l’hôtel. Il y a des répercussions collatérales », estime, tout sourire, Marie-Justine Snyder.

« On a voulu faire quelque chose de qualité muséale, dit la conservatrice de la CDPQ. Ce n’est pas de la décoration. C’est plus que ça. »

D’ici 2020, Ivanhoé Cambridge poursuivra son Projet Nouveau-Centre, notamment à travers la rénovation déjà amorcée du Centre Eaton. La Place Ville-Marie et son esplanade sont aussi au menu. Dans une semaine, c’est la Maison Manuvie qui sera inaugurée. Une toute nouvelle oeuvre de l’artiste Rafael Lozano-Hemmer sera alors dévoilée.

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