Un champ à plusieurs dimensions

L’installation «Afin d’éviter tous ces nœuds» est faite de planches de bois, de tiges de métal et de sacs de plastique.
Photo: Paul Litherland L’installation «Afin d’éviter tous ces nœuds» est faite de planches de bois, de tiges de métal et de sacs de plastique.

C’est une expérience totale, à la fois visuelle, sonore et physique, aussi méditative qu’interactive, que propose de vivre l’artiste de Lévis Ludovic Boney avec son installation Afin d’éviter tous ces noeuds. L’oeuvre, une affaire en apparence toute simple en planches de bois, tiges de métal et sacs de plastique, résonne aussi, de belle manière, comme un commentaire sur notre occupation du territoire.

Un champ, littéralement, se présente devant les visiteurs du centre Oboro. Et au milieu de ce champ de « 50 planches placées comme autant de rangées en culture sur lesquelles sont “ensemencées” 2000 tiges de métal », selon la description de l’artiste, un sentier invite à traverser la structure.

Marcher sur ces planches, c’est un peu comme se promener dans un de ces aménagements qui permettent de franchir des marécages ou des lieux autrement fragiles. Chaque pas nous rappelle un sol instable. Chaque pas aussi est sonore, très sonore, comme si on déambulait sur le clavier d’un piano.

À Oboro, la visite d’une exposition est toujours accompagnée du craquement du plancher. Si le bruit peut parfois déranger — il fait aussi le charme du lieu, sa signature —, cette fois, il est à la source de l’oeuvre exposée. Afin d’éviter tous ces noeuds fait non seulement écho à cette inévitable réalité sonore, l’artiste l’incorpore, l’assume et s’en est enrichi.

Tout est dosé dans cette proposition. Si la présence des sacs en plastique, arrimés au bout des tiges en guise de fanions, voire de feuilles, traduit à l’évidence un propos écologiste, la charge de Ludovic Boney n’a pas le ton alarmiste de l’ATSA (Action terroriste socialement acceptable).

Chez Boney, plutôt que de servir d’emblème nocif de la surconsommation, le sac d’épicerie (ou de Jean Coutu, de Dollarama, etc.) évoque d’autres réalités. Comme il est aussi sonore, il participe de plein gré à son nouvel environnement. Sa manifestation contribue à la transformation du lieu, sans qu’on y voie, ou y entende, un mauvais présage.

Harmonie sonore

 

L’installation, aussi imposante soit-elle, est loin d’occuper l’ensemble de la salle d’exposition. On peut circuler tout autour de l’oeuvre et même prendre la pause à une certaine distance, assis sur un des bancs laissés à notre disposition.

Les apparences sont trompeuses. En dépit des espaces vides, la salle est totalement investie par l’artiste. Les bruits du plancher d’Oboro et de l’installation, une fois dissipés, sont relayés par un enregistrement sonore, créé à partir des mêmes sources par deux collaborateurs de Boney, les compositeurs Yannick Plamondon et Benoît Fortier.

Malgré son apparente monumentalité et son étendue sonore, Afin d’éviter tous ces noeuds est une installation harmonieuse, raffinée, qui invite à prendre soin de ce qui nous entoure. Commentaire écolo, certes, ou critique d’une colonisation toujours en cours des territoires ancestraux — l’artiste est d’origine autochtone —, l’oeuvre apaise plutôt qu’elle dénonce.

Ludovic Boney n’avait jusqu’ici jamais exposé à Montréal, bien qu’il ait commencé sa carrière au début du siècle. Il n’a cependant eu que peu d’expos individuelles, celle à Oboro n’étant que sa cinquième.

Son parcours est peu conventionnel. Formé à la Maison des métiers d’art de Québec, il est surtout connu pour ses oeuvres d’art public, dont une des plus récentes occupe la cour intérieure du nouveau pavillon du Musée national des beaux-arts du Québec.

Fait à noter, Ludovic Boney vient d’être nommé parmi les demi-finalistes du prix Sobey. Il est un des cinq Québécois à figurer sur la longue liste de cette récompense pancanadienne, en compagnie d’Annie Baillargeon, de Dan Brault, de Jacinthe Carrier, tous de Québec, et de la Montréalaise Kim Waldron.

Afin d’éviter tous ces noeuds

De Lévis Ludovic Boney, au centre Oboro (4001, rue Berri), jusqu’au 20 mai.

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