Un symposium qui prend la route

La matière choisie par l’artiste Guillaume Adjutor Provost pour son travail témoigne de la vie sur la route. Il s’agit de cartes que s’échangeaient les camionneurs dans les années 1950-1960.
Photo: Guillaume Adjutor Provost La matière choisie par l’artiste Guillaume Adjutor Provost pour son travail témoigne de la vie sur la route. Il s’agit de cartes que s’échangeaient les camionneurs dans les années 1950-1960.

Ils vont faire du chemin, les artistes du Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Plus que jamais, puisque le thème choisi pour la 34e édition par la commissaire Marie Perrault, « Mobilités », appelle au déplacement. Et ça démarre vendredi.

On ne cesse de construire des routes et des ponts, de naviguer sur l’inforoute. Le thème de Marie Perrault vise à « se pencher sur les mouvements de personnes, d’objets et d’information, sur les infrastructures et les réseaux qui en assurent la fluidité, sur les imaginaires motivant cette effervescence », ainsi que « sur la résistance à cette mobilité ».

Whitehorse, la capitale du Yukon, et le chef-lieu de Charlevoix sont séparés par quelque 6000 kilomètres. C’est la distance qu’aura parcourue Nicole Bauberger avant le début du Symposium. Mais ce n’est pas l’éloignement de sa résidence qui lui a valu son invitation.

Depuis des années, l’artiste peint le Canada, à raison d’un tableau tous les 50 kilomètres, dévalés sur la Transcanadienne. Pendant le mois que dure l’événement de Baie-Saint-Paul, elle poursuivra sa série Get There From Here en scrutant les routes de la région.

Patrick Beaulieu compte aussi traverser le grand territoire charlevoisien. Un peu à l’aveugle. Ou à la merci de la bonne volonté des gens. Son projet Nulle part, basé sur l’utilisation d’une vieille caravane, consiste en une quête farfelue : trouver des lieux inexistants.

« Je demanderai mon chemin avec des descriptions d’endroits poétiques et irréels. Pour voir où ça me mènera », dit celui qui exploitera ce sentiment très humain « de ne pas avouer ce qu’on ne connaît pas ».

Prendre le large

 

Patrick Beaulieu est un adepte de l’errance et du voyage exploratoire. Celui qui a déjà parcouru les États-Unis en suivant les vents amorcera à Baie-Saint-Paul ce Nulle part qu’il voudra, par la suite, étaler sur un an et sur tout le continent.

Rencontré à Montréal peu avant son départ, il confie qu’il souhaite s’infiltrer « dans la faune touristique, dans la minicommunauté [du camping motorisé] ». L’entraide, la confiance et un esprit fabulateur guideront sa démarche.

Le fait de jouer au touriste égaré, avec une caravane rebaptisée El Perdido, correspondra par ailleurs assez bien, croit-il, au mystère de la toponymie locale. « Il paraît qu’il existe une côte de la Misère », dit-il, savourant l’idée de la découvrir.

À l’aréna de Baie-Saint-Paul, quartier général du Symposium depuis toujours, il exposera le résultat de ses découvertes au moyen d’un montage vidéo, de photos et d’autocollants propres à l’univers du camping.

Cartes de visite

 

Guillaume Adjutor Provost sera l’un des moins nomades des douze artistes. Mais la matière qu’il apportera, elle, a beaucoup voyagé. Il s’agit d’une collection de cartes que s’échangeaient les camionneurs nord-américains à une autre époque (1950-1970). Désignées cartes QSL, du nom des signaux radio qui unissent les travailleurs routiers, celles-ci leur servaient de cartes professionnelles.

« Elles ont l’air de cartes postales, dit l’artiste, rencontré aussi avant qu’il quitte Montréal. Elles existaient en circuit fermé, entre camionneurs. »

Les cartes QSL, dont le code ferait acte d’accusé de réception — en anglais : « I acknowledge receipt of that message, that signal » —, sont une trace des rencontres vécues et des kilomètres parcourus. À Baie-Saint-Paul, Guillaume Adjutor Provost travaillera avec une sélection de ces bouts de papier, ceux marqués de dessins anthropomorphiques.

« J’aime les images populaires, simples, qui communiquent quelque chose, dit-il. Plus le dessin est mauvais, plus il m’intéresse. Il est plus réel, plus vrai. »

Pendant un mois, les artistes feront ainsi du chemin, ne serait-ce que parce qu’au jour 1, ils partent de zéro et doivent, au bout du séjour, livrer quelque chose.

C’est le principe du Symposium. Un événement qui a lui aussi évolué, alors que jadis il n’était consacré qu’à la peinture. Camille Bernard-Gravel, qui travaille la sculpture cinétique, et Samuel Breton, le film d’animation, sont la preuve du chemin parcouru.

Symposium international d’art contemporain de Baie-Saint-Paul

Du 29 juillet au 28 août

À voir en vidéo