Warhol publicitaire

«XIV Olympic Winter Games» (1983), lithographie couleur en offset d'Andy Warhol réalisée pour la campagne de financement des Jeux d’hiver de Sarajevo de 1984
Photo: © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts inc. / SODRAC (2014) «XIV Olympic Winter Games» (1983), lithographie couleur en offset d'Andy Warhol réalisée pour la campagne de financement des Jeux d’hiver de Sarajevo de 1984

Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) lève le voile sur le travail d’illustrateur et d’affichiste du chef de file du pop art. Une part curieusement méconnue de son oeuvre que le collectionneur et historien de l’art Paul Maréchal met en évidence dans l’exposition Warhol s’affiche !, présentée jusqu’au 15 mars.

Andy Warhol publicitaire ? Avec ses oeuvres en séries regorgeant d’objets de consommation, l’amalgame semble aller de soi. Mais peu de gens savent que l’artiste emblématique du XXe siècle a débuté en dessinant pour des magazines comme Life et Vogue et en signant des affiches destinées à vendre des souliers, des jeans ou de la vodka.

« Pour lui, une oeuvre n’est marquante que si elle s’inscrit dans son époque, rapporte M. Maréchal, conservateur pour Power Corporation et collectionneur passionné de ce corpus inédit qu’il collige depuis six ans. Faire des publicités ne contredisait donc absolument pas sa démarche d’artiste. Il était stimulé par la commande. »

En fait, l’artiste touche-à-tout a commencé sa carrière comme illustrateur, ce qui a contribué à sa notoriété rapide. « C’était quelqu’un qui dessinait énormément, beaucoup à main levée, raconte la conservatrice du design contemporain du MBAM, Diane Charbonneau, qui a collaboré avec Paul Maréchal. Il arrivait toujours chez les éditeurs avec plusieurs propositions. » Son trait libre, spontané, léger se distinguait de l’approche plus minimaliste des Européens.

« Le génie artistique de Warhol repose sur son utilisation de l’imprimé, résume le collectionneur prêteur. Les 52 affiches que vous voyez sont des affiches originales, qui ont une valeur artistique parce que l’artiste les a pensées comme telles. »

Certaines sont même plus rares que ses sérigraphies parce qu’elles ont été produites pour des événements ciblés (lancements, soirées-bénéfices, etc.), donc à faible diffusion. Il signale, pour mesurer l’importance du corpus, que Toulouse-Lautrec, maître du genre, en a conçu 31 dans sa carrière.

« Warhol est celui qui a ramené la tradition de l’affiche pour annoncer des concerts, des spectacles, des produits » en y réinjectant de l’art, affirme M. Maréchal.

Démarche d’historien

À la cinquantaine d’affiches dévoilées par le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul en juin dernier, le MBAM ajoute une centaine de couvertures et de doubles pages intérieures de magazines — sur le millier qu’a colligé le collectionneur dans 400 éditions différentes.

« Les spécialistes de l’oeuvre savaient que Warhol avait travaillé pour quatre ou cinq publications, dit-il. J’ai trouvé 63 titres différents pour lesquels il a fait des oeuvres. »

L’artiste a non seulement posé sa griffe dans des publications spécialisées en mode (Glamour, Vogue), en décoration (Interiors) ou en arts vivants (Dance Magazine), il a aussi signé des portraits de personnalités comme de Jimmy Carter pour le New York Time Magazine ou Michael Jackson à la une du Time Magazine. Le procédé qui a fait sa notoriété — dessin appliqué sur la base d’une photographie — y revient souvent.

L’exposition accompagne la publication du troisième catalogue raisonné de Paul Maréchal sur ce corpus graphique de l’artiste emblématique du XXe siècle. Le premier catalogue consacré aux pochettes d’albums de musique avait ouvert la porte à l’exposition Warhol Live du MBAM en 2008. Le collectionneur vient d’y ajouter coup sur coup en avril et en septembre 2014 Andy Warhol : The Complete Commissioned Posters 1964-1987 et Andy Warhol : The Complete Commissioned Magazine Work, publiés par Prestel.

« La démarche de Paul est totalement exemplaire parce que c’est un collectionneur animé d’une vraie passion d’historien de l’art », a souligné Nathalie Bondil, directrice du MBAM.

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