Culture cherche pays ou pays cherche culture?

Comment aborder la question de l’identité nationale de nos jours ? Voilà un terrain miné qui explique peut-être pourquoi les jeunes de nos jours ne connaissent pas si bien leur histoire. Nous préférons souvent ne pas trop parler de notre passé national plutôt que d’avoir à rendre compte de nos tiraillements identitaires. Ceux-ci ont peut-être fait de trop amusants moments dans le film Elvis Gratton… Pourtant, à la Galerie de l’UQAM, deux artistes ont décidé de sonder cette problématique délicate à l’heure où les identités, même sexuelles, sont devenues plus poreuses, parfois perçues comme une construction idéologique à faire éclater…
Dans Notre histoire || Our History, Michael Blum a été très loin dans sa démarche, allant jusqu’à envoyer un questionnaire sur l’identité québécoise et canadienne à plus de 600 personnes. Parmi les questions envoyées, il y avait : « Le Québec, pour vous, qu’est-ce que c’est ? Comment expliquez-vous la différence entre le Québec et le Canada à un étranger ? Si un musée devait conserver l’histoire des différences entre le Québec et le Canada, comment l’envisageriez-vous ? Comment voyez-vous les relations entre le Québec et le Canada d’ici deux ou trois générations ? »
Seulement 86 personnes acceptèrent de répondre à ces questions, mais parmi elles, aucun politicien ou député, ceux-ci ayant préféré refiler la « patate chaude » à d’autres. Les réponses sont en fait venues en majorité d’acteurs de la scène culturelle et d’intellectuels : artistes, commissaires d’expositions, professeurs à l’université… Beaucoup d’artistes ont répondu, pourtant, comme le fait remarquer Blum, peu de créateurs placent ce sujet brûlant au coeur de leur oeuvre.
Parmi les réponses remarquables, il y a celle de la professeure Louise Vigneault, qui écrit : « Le Québec est une culture qui cherche un pays et le Canada est un pays qui cherche une culture. » Voilà une réponse qui fait écho au fait que le reste du Canada (le ROC) a peur de se faire bouffer culturellement par son imposant voisin, mais aussi que le Québec a peur de perdre sa culture… Vous pourrez retrouver cette réponse et bien d’autres dans le rapport de recherche qui accompagne l’expo. En lisant ces questions et ces réponses, le visiteur se dira peut-être qu’une des caractéristiques de l’identité canadienne et québécoise est justement ce questionnement identitaire constant…
Blum en a profité pour signer, en intro, un Journal de bord, où, en tant qu’immigrant arrivé ici en 2010, il nous confie ses questions et ses points de vue sur nous. Bien sûr, Blum satisfait ainsi notre désir de savoir comment on nous voit de l’étranger… Nous avons encore tellement besoin du regard des autres.
Pour aller au bout de son projet, Blum a constitué, dans les locaux de la Galerie de l’UQAM, deux faux musées (l’un pour le Québec, l’autre pour le Canada) qui ne manquent pas d’humour. L’humour serait-il d’ailleurs une des seules approches encore possibles pour ce sujet ? Ce qui est sûr, c’est que Blum souligne les travers de tous, autant ceux des indépendantistes que des fédéralistes, autant ceux des francophones que des anglophones. Je vous laisse le soin de découvrir les détails de ces portraits sociaux très corrosifs. Vous remarquerez vite que Blum a élaboré une fausse histoire québécoise et canadienne, mais que celle-ci pourra sembler presque vraie…
Cette fausse histoire est finalement très révélatrice de nos qualités et de nos défauts. Blum nous fait ainsi prendre conscience du fait que l’histoire est toujours une sorte de fiction, basée sur des faits, mais choisis et interprétés selon une visée idéologique.
Culture québécoise western
Pour compléter ce portrait identitaire, toujours à la Galerie de l’UQAM, Myriam Jacob-Allard nous parle de la représentation de la mère dans la culture western de notre belle province. Elle nous montre l’ampleur de ce phénomène qui a frappé même dans sa propre famille, en particulier sa mère et sa grand-mère, fans de ce type de musique…
Jacob-Allaire signale entre autres comment les chansons westerns parlent beaucoup de nos mamans, la mère aimée, la mère réconfortante, mais aussi celle qui a maltraité ou mal aimé ses enfants… Cette artiste confirme comment la figure matriarcale a joué un grand rôle dans notre univers symbolique.