Exposition - Haïti, l’art et la mort

Ce squelette de l’artiste Jean Hérard Celeur (début du XXIe siècle. métal, techniques mixtes) représente un Guédé, esprit vaudou associé à la mort, à la sexualité et à la régénération.
Photo: Musée de la civilisation Ce squelette de l’artiste Jean Hérard Celeur (début du XXIe siècle. métal, techniques mixtes) représente un Guédé, esprit vaudou associé à la mort, à la sexualité et à la régénération.

Violence urbaine, inondations, séisme, épidémie de choléra… On nous a montré des centaines de photos et de reportages sur les catastrophes qui ont secoué Haïti ces dernières années. Or voilà que le Musée de la civilisation à Québec invite à voir ce que le désastre a pu inspirer à ses artistes.

 

Les oeuvres sont saisissantes. Qu’on aime ou pas. Les têtes de mort abondent, tout comme ces croix noires de la tradition vaudou qu’on plante à l’entrée des cimetières.

 

L’artiste Maksaens Denis explique que ce sont des sortes de « téléphones » entre la vie et la mort. La mort est partout dans les oeuvres, mais c’est une mort souvent moqueuse, incarnée par des personnages colorés.

 

L’art contemporain haïtien est en pleine ébullition selon le professeur Donald J. Consentino de l’Université de Californie, un expert du genre qui a agi comme conservateur pour l’expo. « Tandis que les choses empiraient, leur art devenait de plus en plus riche et étonnant, faisait-il remarquer mardi lors de l’inauguration de l’exposition à Québec. Pires sont les circonstances, plus l’expression artistique devient impressionnante. »

 

Créé par le Musée Fowler de l’Université de Californie (UCLA), Haïti, in extremis était en préparation depuis deux ans quand le séisme est survenu, en 2010, faisant 250 000 morts.

 

Étant donné les nombreux liens entre le Québec et Haïti, le Musée de la civilisation a « adapté » l’exposition en y insérant des artistes haïtiens d’ici (Manuel Matthieu, Marie-Hélène Cauvin et Killy).

 

Généreux, les textes de présentation expliquent bien l’univers complètement déjanté des « Guédés », ces esprits vaudou de la mort qui habitent presque toutes les oeuvres. Personnifiés par des squelettes, les Guédés sont représentés comme des décadents, souvent avec des phallus énormes, des costumes colorés et un cigare au bec.

 

« On n’est pas dans la mort triste, d’expliquer Maksaens Denis. On joue entre la vie et la mort. »

 

Le musée a aussi la bonne idée d’intégrer des citations d’auteurs de la diaspora haïtienne, comme Dany Laferrière ou Jan Dominique. On en trouve aussi une très belle de Jean Armoce Dugé, qui se décline ainsi : « Pourquoi il existe dans mon pays des jours pour les Guédés ? Parce que c’est le seul pays où l’on compte plus de morts que de vivants. »

 

M. Denis précise que les Haïtiens « ne vivent pas dans cette esthétique toute l’année », mais qu’on célèbre ces esprits surtout en novembre.

 

Lors de fêtes, des gens se costument en Guédés, comme on peut le voir dans un habile reportage photo. Ils se barbouillent le visage de blanc, s’habillent en mauve ou en noir, ont les yeux hagards. Femmes ou hommes, jeunes ou vieux, les Guédés peuvent apparemment s’incarner chez n’importe qui.

 

Lorsqu’on demande à M. Denis s’il croit à ces esprits, il s’étonne. « Il n’y a pas à y croire ou ne pas y croire. Ils sont là », lance-t-il en riant.

 

M. Denis donnera une visite guidée jeudi midi. L’exposition sera quant à elle présentée jusqu’au 17 août.

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Ce texte a été modifié après publication.

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