La peinture en panorama

À gauche : Janet Werner, Del, 2013. À droite : Chris Kline, Section, 2011-2012.
Photo: L.-P. Côté © Galerie de l’UQAM À gauche : Janet Werner, Del, 2013. À droite : Chris Kline, Section, 2011-2012.

Qu’est-ce qui fait, en 2013, qu’une exposition consacrée à la peinture soit si exceptionnelle ? Le projet peinture, dont le deuxième volet est en cours à la Galerie de l’UQAM, se présente comme cette exception en voulant dresser un portrait des pratiques actuelles qui ratisse tout le Canada. De la peinture, il s’en pratique en effet beaucoup à travers le pays, et les 60 artistes qui composent cette exposition ne sont assurément qu’un échantillon de l’ensemble. La sélection est issue d’un vaste chantier, une recherche sur plus de deux ans pendant laquelle la commissaire Julie Bélisle, en collaboration avec Marie-Ève Beaupré, a épluché les possibilités qui se comptaient par centaines.

Mettre la peinture ainsi en avant, c’est aussi renouer avec une approche centrée sur cet art que le postmodernisme avait écarté, alors que d’autres matériaux faisaient leur apparition, incluant l’immatérialité de l’art conceptuel ou celle des pratiques éphémères. La pratique de la peinture n’a pourtant rien perdu de sa vitalité. Les catégories proposées dans le catalogue, appendice obligé de l’exposition, pour présenter cette peinture prouvent avec éloquence que les frontières et les moyens de celle-ci ont été retravaillés.


Les catégories traditionnelles de genre, le paysage et le portrait par exemple, ne suffisent plus à nommer les orientations nouvelles de la peinture. D’où les quatre regroupements thématiques qui organisent les oeuvres dans le catalogue (« Figures du réel », « Univers de fiction », « Peinture comme sujet », « Pratiques hybrides »), mais que, pourtant, l’exposition n’emprunte pas. L’accrochage répond à d’autres impératifs, plus ou moins clairs, qui trahissent une des principales difficultés de ce projet, à savoir regrouper sur les murs d’une même salle des oeuvres très variées.

 

Représentativité


Cette difficulté a été pleinement maîtrisée dans le premier volet de l’exposition qui a eu lieu en mai et qui mérite d’être rappelé. Il fallait voir notamment, sous forme de séquences, les oeuvres de Marie-Claude Bouthillier, de Stéphane La Rue et de Pierre Dorion en contrepoids à l’oeuvre de Wanda Koops, l’étendue bleue envoûtant d’un paysage. Dans une petite salle, se répondaient avec à-propos les oeuvres de Julie Trudel, de Dil Hildebrand et de Tammi Campbell, toutes axées sur la peinture et sa fabrication.


Le deuxième volet s’ouvre avec le même doigté. Les tableautins hyperréalistes de Mike Bayne précèdent deux gouaches vinyliques de Michael Merrill dépeignant sa visite de sites notoires de land art, dont le Champ de foudre de Walter de Maria. Ces oeuvres figuratives sont le prélude parfait à celle, abstraite et tout en volumétrie, de Francine Savard, qui donne à lire « nuageux ». La suite est faite d’agencements plus laborieux imposés par les oeuvres de ce lot qui, en plus grand nombre, peuvent s’avérer « écrasantes » pour les autres, soit par la multitude de détails qui les composent, soit par leur facture empâtée à l’excès, une tendance forte que l’exposition ne pouvait pas exclure.


C’est le cas du travail de Kim Dorland, dont la dimension racoleuse est heureusement atténuée du fait que le tableau, relativement petit, est isolé sur une grande surface. Lori (Green) (2012), un portrait de femme très empâté de couleur vert acidulé, n’a semble-t-il rien à voir avec l’oeuvre abstraite de François Lacasse qui, elle, est tout en douceur, mais qui, placée là, à côté, fait sourire par son titre, L’échevelée (2012).


La nature du projet mise toutefois davantage sur la force des oeuvres prises isolément. Le soin pris à choisir ces oeuvres, une seule par artiste, est flagrant. Des artistes du Québec, ou déjà exposés ici, il est possible de voir des oeuvres souvent inédites que l’on devine avoir été pensées pour cet événement, telles celles de Simon Bilodeau et d’Anthony Burnham, prouvant l’importance que revêt cet événement pour les artistes.


Et il y a tous ces artistes à découvrir, Jack Bishop, Arabella Campbell et Jeremy Hof par exemple, qui donnent tout son sens au principe du panorama chèrement défendu par Louise Déry, commissaire générale du projet. Le panorama suppose la définition d’un territoire à couvrir, ici le Canada, et souscrit à un idéal de représentativité. L’objectif semble ainsi moins de consacrer des manières en particulier ou certaines orientations que d’en inclure plusieurs, constituant, comme le précise le sous-titre, un « instantané de la peinture au Canada », sans prétendre faire de synthèse.


À la différence des autres initiatives qui, au Québec depuis la fin des années 1990, élisent la peinture pour sujet - comme la deuxième édition de l’événementPeinture extrême que l’AGAC (Association des galeries d’art contemporain) tient cet été dans une vingtaine de ses galeries -, Projet peinture profite du cadre universitaire pour faire valoir sa dimension scientifique. Le catalogue, riche et bien fait, est l’outil qui prouve la recherche qui a été accomplie. Son contenu, accessible à un lectorat élargi, rejoint l’autre volonté de cette exposition qui était d’en faire un événement pédagogique pouvant montrer que la familiarité prêtée à la peinture n’est qu’une illusion de surface, surtout quand il s’agit de s’intéresser à son actualité.


 

Collaboratrice

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